Manouach
Ilan -
Les
lieux et les choses qui entouraient les gens désormais
La
5ème couche - 2004
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Quelque
part, dans une société qui semble encore tribale, une
jeune femme pleure la perte de son enfant sans doute dévoré
par un tigre. Le reste du village ne semble pas
tellement ému, occupé en festivités … Mais quand le
tigre a goûté à la chair humaine, le dicton dit
qu’il en a encore envie… Et après la mère éplorée,
qui se jette dans la gueule du fauve, plusieurs
villageois succombent sous les crocs de la bête,
brisant rêves, passés, destins des individus et de
leurs famille. Remettant en cause aussi la viabilité de
la petite société tribale. Quand les villageois se
rendent compte qu’il est temps d’affronter le tigre,
il semble déjà trop tard. La bête s’est immiscée
de la maternité au salon en passant par les forêts
alentours et les rêves de villageois. Le combat est-il
encore égal ?
Avec un format hors normes (35 X 25 cm environ) le
nouveau projet des indés bruxellois de la 5e
couche est avant tout un très bel objet… Rivalisant
dans notre bibliothèque avec le catalogue de
l’exposition Basquiat parisienne et l’Annonceur
de William Henne publié aux mêmes éditions,
quelques mois plus tôt. Une esthétique qui
d’ailleurs est le point central de ce lieux et
choses. Plus encore que la narration, c’est la
construction graphique qui saute immédiatement aux
yeux.
Quelques traits nerveux, approximatifs, proches
finalement des arts naïfs, suffisent à camper un
tigre, une villageoise, une forêt. Le crayonné
sur-travaillé répond à l’ascèse de l’encre de
chine ou au maelström encre-crayon-ombrage.
On
songe souvent aux Cages de Dave Mc Kean pour
le côté « naïveté » archi
travaillée. On songe parfois à quelque brouillon de Guernica
de Picasso pour les scènes de combat ou aux élucubrations
sous acides du Basquiat cité plus haut, dans les
scènes de foule… sans oser comparer le travail de Manouach
avec les illustres maîtres cités ici à titre de référent
pictural.
La
découpe en scènes tient de la parfaite scénographie,
et de l’utilisation optimale de l’espace imprimé.
Ici la symétrie fait sens, le haut et le bas sont
signifiants, et l’accumulation en double page tient
lieu de tableau populaire.
La
poésie naît autant des envolées philosophico-poétiques
de la narration, que de la structure de l’illustration
et son agencement au fil des 77 pages
A la croisée des chemins entre les arts picturaux et la
bande dessinée proprement dite, les lieux et les
choses est un album teinté d’art contemporain,
revendiquant les lieux communs des arts naïfs et des
peintres post pop. Un très beau tableau
flip book se déroulant sur une trame narrative
prétexte.
C’est d’ailleurs du côté de cette narration
que le chroniqueur trouve le plus de déceptions. Si
l’idée est intéressante, la narration peine à
captiver le lecteur ou à se faire comprendre
clairement. La tension ne vient jamais, et on a du mal
à se retrouver dans les personnages, qu’ils soient
villageois ou tigre sémantique… Pire, on se perd
parfois en hypothèses et suppositions, quand les voies
(les voix ?) narratives sont un peu obscures.
Dommage. Dommage parce que pour le chroniqueur que je
suis, la BD c’est un subtil mélange de narration et
d’art pictural. Un 50/50 qui se soutient mutuellement
et désert le produit fini. Ici, l’accent a été mis
sur le coté pictural, c’est une évidence, laissant
la narration un brin à l’autarcie autosuffisante. On
peine à y trouver son chemin, on peine à y poser ses
marques… Mais les lieux et les choses n’en
demeure pas moins une petite réussite esthétique intéressante.
Denis
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