Debbie
Drechsler - Daddy's
girl
L'association
- 74p, 14€ - 2004
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Daddy's
girl est un voyage au bout de la nuit. Un album
radicalement hors norme d'une force rarement rencontrée
en bande dessinée. Un récit d'horreur qui tente de
recoller les morceaux d'une vie traumatisée par les
abus sexuels d'un père sur sa petite fille. C'est
l'histoire de Debbie Drechsler. Plus précisément,
des bribes d'histoires remises en forme au fur et à
mesure que les souvenirs douloureux resurgissent,
lacunaires, morcelés, fracassés.
Écrits entre 1992 et 1996, les courts récits qui
forment l'album donnent un écho particulièrement
approprié à l'aspect fragmentaire du témoignage. Dans
le premier de ces récits , Visiteurs
dans la nuit, Debbie Drechsler avait dans un
premier temps naturellement nommé la petite fille
Debbie, avant de changer le nom quand elle s'est rendue
compte que les récits fonctionneraient mieux si elle
utilisait son expérience de l'horreur de l'inceste en
la transposant dans un cadre réaliste mais fictionnel.
Quoiqu'il en soit, ce qui frappe dès les premières
pages, c'est la crudité du traitement, à la limite du
supportable mais sans aucun sensationnalisme tapageur.
Si Debbie Drechsler ne tourne pas autour du pot,
l'extrême justesse du ton est cependant manifeste. La
simplicité et la franchise de sa démarche touchent et
évitent à l'album de sombrer dans un lourd pathos.
Si Daddy's girl est
un des albums les plus singuliers parus ces dernières
années, c'est également dû au traitement graphique
qu'adopte Debbie Drechsler pour mettre en forme
ses souvenirs. En 1992, lorsqu'elle débute les récits
qui rassemblés formeront Daddy's
girl, Debbie Drechsler est une illustratrice
sortie d'une école d'arts graphiques. Elle n'a aucune
expérience dans la bande dessinée, ni même de réelle
connaissance des potentialités de la bande dessinée en
tant que forme artistique. C'est donc un terrain vierge
qu'elle aborde. Sans idées préconçues, sans
formatages préalables, avec une franchise désarmante,
elle plie les codes de la bande dessinée à ses propres
exigences. Ainsi par exemple, les perspectives déformées
qui donnent à l'album son aspect si particulier lui
permettent de transmettre aux lecteurs un sentiment
d'enfermement, de claustration qui prend littéralement
à la gorge et qui colle avec une efficacité implacable
à la dureté du sujet qu'elle traite.
Récit en
miettes d'une enfance volée, Daddy's
girl est un album fiévreux, habité, réalisé
selon les termes de l'auteur dans un état de transe. Un
album qui laisse des traces longtemps après sa lecture.
Fred
Bruart
N.B.
: cette chronique utilise des éléments de
Xeroxed "4 -
entretien avec Debbie Drechsler, fascicule
distribué gratuitement à l'achat d'un exemplaire de The
summer of love à la librairie Bulle d'or de
Bruxelles.
Plus+
Chronique
The Summer of Love
le
site de Debbie Drechsler
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