Jean-Marc
Mathis est un auteur de
littérature jeunesse et de bande dessinée qui a publié
de nombreux ouvrages, notamment aux éditions Paquet.
Dans sa dernière Bd, parue au Potager moderne, il fait
revivre ses souvenirs de jeunesse à travers le
personnage du petit Henri...
Comment
est né le personnage du petit Henri ?
Henri
est né en 1992.
À
l'époque, j'avais montré quelques unes de mes
bandes-dessinées à Jean-Paul Mougin, alors rédacteur
en chef du mensuel "À SUIVRE".
Graphiquement, ça lui plaisait. Mais les histoires, ça,
non. En travaillant sur divers scénarios, j'ai repensé
à
"Bandini", un roman de John Fante où
il raconte une partie de son enfance dans les années
30, et le rapport particulier
qu'il avait avec son père "poseur de briques"
et sa mère, très croyante.
Il
y avait énormément de points communs avec ma vie que
je jugeais alors sans intérêt, et j'ai réalisé que
j'avais des choses à raconter. Il me suffisait de
creuser un peu mon passé.
Qui
a t-il de toi dans ce petit Henri ?
Physiquement,
rien.
Au
niveau des histoires, soit je mélange plusieurs faits réels,
soit je m'inspire de choses
entendues ou arrivées à
d'autres, soit j'invente tout. Disons qu'à 75 %, c'est
du vrai.
Ton père était maçon, je crois…
comment étaient les relations à la maison ?
Nous
étions une famille nombreuse ; cinq enfants plus la
grand-mère (et un oncle à une époque) dans une maison
d'une petite cité ouvrière. Nous étions à l'étroit,
et mes frères et sœurs et moi nous étions des enfants
terriblement vivants.
Disons,
pour résumer, que dans la réalité c'était pire que
dans la bande-dessinée.
Quelle
est ta plus belle construction en lego ?
Une
monstrueuse maison, construite en dépit du ben sens,
mais avec tous les Lego dont je disposais.
Est-ce
que tu puises souvent dans tes souvenirs d’enfance
quand tu travailles sur tes BDs ou sur tes romans
jeunesse ?
Mon
enfance est la source, ma matière première. Je laisse
les choses remonter à la surface, mais je ne me
prive pas de moduler, de varier, d'en rajouter. D'un
arbre, je peux faire une forêt, c'est d'ailleurs ça
qui m'amuse.
Sinon
je suis un lecteur de romans, davantage que de
bandes-dessinées, je regarde beaucoup de films aussi et
même si je parle parfois beaucoup, j'écoute ce que les
autres racontent… Toutes ces choses m'inspirent.
Tu
es né en 1965… Es-tu nostalgique de cette époque ?
Non,
je ne suis pas nostalgique de l'époque. Mais je suis
nostalgique d'avoir été un enfant. Parce que j'ai adoré
ça, j'aurais voulu que ça n'en finisse pas.
Ceci
dit, c'est un peu le cas, l'enfant que j'étais
est toujours très présent en moi.
Lors
de mes interventions dans les écoles primaires, j'ai
toujours un petit pincement au cœur ; j'aimerai être
un des enfants de la classe et regarder le monsieur qui
dessine. Mais le monsieur qui dessine, c'est moi.
Henri,
est un personnage auquel tu sembles très attaché
depuis des années...
Henri
est le personnage avec lequel je revisite mon passé.
Je ne peux pas ne pas l'aimer.
Tu
as sorti cette année aux éditions soleil, Vincent mon
frère mort-vivant… peux-tu nous parlez un peu de cet
album ?
Le
point de départ viens encore de mon histoire familial.
Un deuil d'enfant, celui du grand frère que j'aurais
voulu avoir.
Etant
jeune, je pensais déjà beaucoup à la mort… j'ai
beaucoup réfléchi et fantasmé sur ce frère inconnu,
qui est sans doute (malgré lui) à l'origine de mon goût
pour les histoires fantastiques, la mort, les ténèbres,
l'enfer, l'autre côté du miroir, etc…
Lorsque
le dessinateur Thierry Martin m'a demandé de lui écrire
un scénario, j'ai repensé aux deux pages de
bande-dessinée que j'avais faites dans le mensuel Psikopat
(en 1993) : l'histoire d'un gamin qui se retrouve
seul pour jouer parce que son grand frère débile a
l'idée saugrenue de mourir. Ensuite, de discussions en
discussions avec le dessinateur, "Vincent mon frère
mort-vivant" est né.
Abordes-tu
le travail pour la BD et le roman jeunesse de manière
très différente ?
À
priori, non.
Sauf
qu'en jeunesse (roman, album ou bande-dessinée),
j'essaie de ne pas perdre de vue que j'écris ou dessine
pour un public plus jeune (dans mon cas, ça va jusqu'au
CM2).
Dans
la forme, je fais des efforts de lisibilité. J'envisage
les histoires comme un jeu de construction, je joue
en espérant que les lecteurs et lectrice s'amuseront en
lisant l'histoire. J'essaie de communiquer la fraîcheur,
l'énergie, le plaisir que j'avais quand j'étais petit
(ce qui ne m'empêche pas d'être parfois un peu cruel
dans certaines histoires).
Avec
Henri, qui est plutôt pour les "vieux", pas
de compromis, c'est à prendre où à laisser. C'est
parfois brut de décoffrage, je le reconnais, mais c'est
ça qui me plaît.
Tu
fais de la peintre également… t’éloignes-tu
radicalement de la BD quand tu peints ou, au contraire,
tes peintures restent-elles dans l’univers graphique
qui est le tien ?
Franchement,
je ne pense pas que cela soit de la
"peinture".
Mais
bon, j'aime de faire de grandes images de temps en
temps. Soit j'agrandi des cases de bandes-dessinées
qui, hors contexte, racontent autre chose, soit je fais
des images très différentes, venant
d'un univers graphique que je développe parallèlement
à mon graphisme "normal".
Que
t’apporte la peinture par rapport au dessin de BD ou
d’illustration ?
C'est le
plaisir de faire, préparer le support, étaler de la
peinture, choisir des couleurs etc… sans me prendre le
chou sur une histoire. C'est reposant.
Quels
sont tes projets pour cette fin d’année et pour 2006 ?
Il
y a des livres jeunesses, deux petites bandes-dessinées
qui paraîtront chez l'éditeur Thierry Magnier en
Janvier (l'une sera dessinée par Laurent Bazart)
et
si tout va bien, l'aboutissement d'un court roman sur
lequel je travaille maintenant depuis presque deux ans.
Je
pense aussi à la suite des aventures de Henri, à une
grande histoire cette fois.
Propos
recueillis par Benoît Richard
septembre
2005
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