BD

Vehlmann & Duchazeau - la nuit de l'inca  t. 1    

Dargaud - 2003

 

 
 

     Quechita, petit village paumé de la cordillère des Andes au temps des Incas. Le manchot Maki, en butte aux persécutions des enfants et victime du mépris des adultes, garde dans la montagne les lamas des morts du village. Il ne demande qu'à vivre en paix mais sa tranquillité va être bousculée par un événement imprévisible dont il a bien malgré lui eu la prescience : un matin, le soleil ne se lève pas et le village reste plongé dans l'obscurité.

 

    Cet événement, par sa gravité et son imprévisibilité, va bouleverser la vie du village et remettre en cause le fonctionnement immuable de ses structures. Les religieux auto-investis, représentants officiels d'un sacré qui se préoccupe surtout de mainmise sur la population sont bien embêtés ce qui pourrait bien plonger le village dans le chaos et balayer leur pouvoir. Maki le souffre-douleur apparaît dès lors comme le bouc émissaire idéal.

 

   Voilà pour l'argument de départ du récit. Très classique, conventionnel diront certains. Mais, si les auteurs partent bien de personnages et de situations stéréotypées, c'est pour mieux aller au-delà, en développant un réel discours, en même temps qu'un récit palpitant, très enlevé, impeccablement rythmé et saupoudré de ci de là d'un humour impertinent du meilleur effet. Comme dit l'adage, mieux vaut partir du stéréotype qu'y arriver.

 

    Dans une chronique du deuxième volume de la série Le marquis d'Anaon du même Vehlmann, on mettait en exergue la figure du personnage principal en charge de restaurer l'harmonie, de ramener l'équilibre là où ils avaient été mis sens dessus dessous, luttant par là même contre l'obscurantisme qui profite du déséquilibre pour prospérer.

 

    Ici également, l'harmonie est brisée, l'équilibre est rompu et le refuge dans l'obscurantisme (c'est le cas de le dire pour une histoire dans laquelle le soleil tout à coup ne se lève plus) se présente comme l'échappatoire la plus évidente, la plus naturelle, associant dans un même mouvement autorités qui jouent leur pouvoir et population incrédule dans la recherche d'un bouc émissaire. Une pincée de confessions publiques et de sacrifices de biens précieux viennent compléter les mesures destinées à faire revenir le dieu Soleil.

 

    Mais contrairement au Marquis d'Anaon, greffon extérieur qui permet d'assainir un corps contaminé, c'est ici de l'intérieur de la communauté que devra revenir la lumière, de ce Maki réprouvé par ses pairs pour sa difformité mais qui, lui, possède un lien réel avec le sacré. Car Maki, bien malgré lui, possède le don de rentrer en contact avec les Huacas, les dieu Incas.

 

    Un deuxième volume à paraître dans quelques mois viendra conclure le récit, on vous en reparle à sa sortie.

 

Fred