Renaud
De Heyn - La tentation t. 2
La
cinquième couche – 2003
|
|
|
|
Renaud De Heyn
est un dessinateur aux racines bruxelloises, venant tout
juste de passer le cap de la trentaine. Il enseigne
aujourd’hui le 9e art au bord de la mer
marocaine. Voyageur passionné, il décide en 1995 de
rejoindre Sainte Sophie de Pékin en suivant la route de
la soie. Un parcours qui l’amène à traverser de
nombreux pays et à se frotter à différentes cultures,
unies par le terreau de l’Islam. Un religion érigée
en mode de vie, qui nourrit toutes ces cultures et imprègne
les différentes sociétés.
Le livre, composé sur le mode carnet de voyage, mélange
des croquis à l’encre de Chine -pris à la volée
dans les rues ou les trains-, avec des doubles pages en
lavis d’encre et d’aquarelle, dont la première de
couverture est un exemple réussi. Les interactions
entre personnages, ainsi que les réflexions des
protagonistes, sont traitées quant à elles sur le mode
traditionnel de la découpe en séquences de cases et de
phylactères colorisés à l’encre et à
l’aquarelle. Photocopies d’affiches reproduction
d’étiquettes de bouteille ou de timbres, contribuent
par ailleurs à l’exotisme et au sentiment de voyage
comme y parvenaient à l’époque, les récits de Monod
dans le monde du roman.
C’est l expérience pakistanaise du dessinateur qui
sert de trame de fond à ce récit. Un pays où tous les
extrêmes semblent se donner rendez-vous. Extrême dénuement,
extrême beauté des paysages extrême hospitalité,
extrêmes préjugés d’Occidentaux, extrême générosité,
extrêmes extrémismes… dans cette partie du monde
qu’on appelle le Croissant d’Or.
Construit
selon le déroulement de son voyage, qui sert de fil à
la narration, De Heyn quitte Islamabad pour Sibbi
où il doit rejoindre une famille qui l’attend pour
assister au festival Sibbi Mella. Là, avant de
rejoindre Peshawar, le jeune homme est invité à
prendre part aux festivités de la ville. Il apprend et
découvre, parfois à son corps défendant, les plaisirs
du quotidien de ses hôtes, leur mode de vie sans
artifice, leur façon d’appréhender le monde,
l’amour et la spiritualité. Une spiritualité
islamique qui exerce sur le dessinateur un attrait
croissant, au travers des marques de l’infinie humanité
de cette religion et de l’insondable profondeur de son
culte. Un attrait qui se voit refroidi épisodiquement
aussi, sous les coups de butoir d’une parole
obscurantiste latente dans certaines discussions. Des
clichés religieux faisant feu du meilleur bois de
propagande et de démagogie dogmatique. Des discours
sans libre pensée, qui imprègnent pourtant le
quotidien de la société pakistanaise pour laquelle le
dessinateur s’est pris d’affection. Au fil du récit
s’installe dès lors un jeu d’amour/haine
intellectuel et sentimental autour de la culture
pakistanaise. Dilemme sans réponse, qui ne quitte pas Renaud
De Heyn, jusqu’au jour de son départ de Peshawar
pour la frontière pakistano-afghane.
Mélange d’originalité formelle et de tradition de la
bande-dessinée, La tentation offre une
retranscription impressionniste de la claque que semble
avoir été le périple pakistanais du dessinateur
Claque esthétique, et claque humaine, nimbée de réflexions
intellectuelles et d’ésotérisme.
C’est
cet impressionnisme qui rend le récit chaleureux et lui
donne plus qu’une valeur de témoignage objectif ;
alors que les médias dressent, plus ou moins malgré
eux, un portrait sans nuance du pays qui accueille
aujourd’hui les très médiatisés Talibans, les
forces américaines et Ben Laden. Un impressionnisme qui
laisse poindre l’attrait que cette culture provoque
sur l’auteur et les incompatibilités qui peuvent naître
de la mise en pratique d’une religion confrontée aux
principes de la raison occidentale.
Un impressionnisme fait de petites touches, comme autant
de polaroïds d’instants et de discussions passées,
qui font aussi la faiblesse du récit. Ici tout est
abordé avec l’œil d’un voyageur, en surface. Le
mode chronologique, la nécessité de coller au trajet
et le point de vue adoptés empêchent de creuser en
profondeur des questions et réflexions qui émergent du
récit, sans trouver de réel dénouement ni tentative
d’explication de l’auteur. Tout est ici évoqué
plus que précisé. Suggéré plus qu’analysé. Il
faudra replacer La tentation à postériori dans
l’ensemble de la série des Carnets de voyage au
Pakistan, pour
voir s’il s’agit là d’une faiblesse ou d’un
maillon d’une réflexion plus globale menée par
l’auteur au long des différents tomes.
www.5c.be
Diffusion
en Belgique par Aden par
téléphone : 02.534.46.62 (matin) / 02. 537.00.62 (ap)
par email : adendif@skynet.be
Diffusion
en Suisse et France par « Le comptoir des indépendants »
5, rue Hoche - 93100 Montreuil - France
Denis
|