Rumiko
Takahashi - La tragédie de P
Tonkam
- 2004
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Rumiko Takahashi
est l’une des mangakas qui a le plus de succès au
Japon, rentrant dans le cercle rare des auteurs ayant
vendu plus de 100 millions d’albums et est surtout
connue pour ses séries longues telles que Ranma ½ ou
encore Inu Yasha. Mais l’éditeur Tonkam a décidé
également de traduire quelques-uns de ses recueils de
nouvelles, et après Le chien de mon patron édité
au mois de Janvier, c’est au tour de La tragédie
de P de connaître les joies d’une adaptation en
français. L’œuvre nous propose ainsi six histoires
courtes traitant de la vie quotidienne de certains
individus, mettant tout particulièrement l’accent ici
sur les femmes.
Déjà, le dessin de Rumiko Takahashi est un
ravissement. D’aspect a priori plutôt simple, il
apparaît être un modèle d’expressivité. Les
contours sont délicieusement ronds, le trait est fin et
appliqué, les visages parfaitement maîtrisés. Bref,
le dessin est absolument admirable, sans effets
inutiles, et arrive parfaitement retranscrire les
nombreuses émotions et sensations des personnages et à
les communiquer au lecteur.
Ensuite, même si toutes les histoires ne sont pas
exactement de la même qualité, le niveau d’ensemble
est véritablement excellent. En mettant en scène
principalement des femmes dans certaines situations précises
de la vie quotidienne, telles que la garde d’un animal
familier d’un ami dans un immeuble où cela est défendu,
la coexistence difficile entre une belle-mère et sa
belle-fille, Rumiko Takahashi développent ses thèmes
favoris. Ainsi, elles évoquent au détour des histoires
Les rapports de domination entre les individus, la
coexistence ou la cohabitation, le dialogue et l’écoute
de l’autre, ou encore l’image erronée que l’on
peut avoir d’autrui. De plus, elle développe ici de
magnifiques portraits de femmes, indépendantes de par
leur actions, au caractère fort et affirmé. D’une
manière générale, les nouvelles de Rumiko
Takahashi sont emplies d’humanisme, et forment une
ode à l’écoute de l’autre, à l’humilité et à
la compréhension réciproque, essayant de suggérer
qu’ une cohabitation ou une coexistence ne sauraient
se suffire d’une ignorance mutuelle mais relèvent véritablement
d’une pratique active, d’une construction commune.
Mais ce recueil est aussi bourré d’humour, de
tendresse et d’émotion, et procure au lecteurs rires
et larmes. Rumiko Takahashi est une formidable
conteuse et sait à merveille comment déclencher
l’hilarité chez ses lecteurs, mais aussi comment
arriver à les émouvoir subtilement. Les histoires
laissent la part belle au développement de l’ensemble
des émotions humaines et cette fraîcheur permet
d’autant plus facilement à la mangaka de développer
ses thèmes de prédilection et d’introduire des
niveaux de lectures supplémentaires. Enfin, l’œuvre
est également un magnifique portait de la société
japonaise, de ses particularités culturelles et
sociales, visible par tout un tas de détails disséminés
tout au long de la lecture mais aussi par les thèmes et
la structure d’ensemble de ces histoires.
Enfin, notons que l’édition offerte par l’éditeur
Tonkam est somptueuse, en ayant conservé la totalité
des pages couleurs présentes au début de plusieurs
histoires, et proposant une traduction de grande qualité.
Seule l’absence de clés de compréhension pourrait être
regrettée. Ces différentes nouvelles de Rumiko
Takahashi constituent donc de véritable petites
perles, dont la lecture est éminemment recommandée à
tout amateur d’excellente bande dessinée.
Vincent
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