Taniguchi
et Utsumi - L’orme du Caucase
Casterman/coll.
écriture - 2004
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Après
Quartier Lointain et la réédition du Journal
de mon Père, Casterman nous offre en français une
nouvelle œuvre de Taniguchi dans leur collection
écriture. Adaptés de nouvelles d’Utsumi, le
mangaka nous propose dans l’Orme du Caucase huit
magnifiques courts récits qui traitent des thèmes
favoris de l’auteur et sont assez proches de ceux développés
dans les deux œuvres de Taniguchi citées
auparavant .
Ces récits mettent en scène des individus, hommes ou
femmes, enfants, adultes ou vieillards, qui se trouvent
confrontés à leur passé, à un événement de leur
vie, et souvent à des sentiments longtemps refoulés
qui finissent par exploser. Que ce soit par la
retrouvaille avec un membre de sa famille que l’on
n’avait pas vu depuis de nombreuses années (« la
petite fille à la poupée », « la vie de
mon frère », « le parapluie »,
« son pays natal ») ou par un autre événement,
les personnages sont amenés à prendre un regard rétrospectif
sur leur vie et les années écoulées. Mais ce regard rétrospectif
n’est absolument pas ici un regard nostalgique mais
l’occasion, au contraire, pour les personnages, de
faire resurgir à la surfaces des émotions enfouies, de
s’interroger sur la façon dont ils ont mené leur
vie. Ainsi, cela engendre, dans la grande majorité de
ces huit nouvelles, un appel aux « larmes différées »,
qui resurgissent chez certains personnages et se
communiquent au lecteur. Taniguchi use tout au
long des ces récits de bons sentiments, mais sans
jamais sombrer dans la mièvrerie, sans jamais tomber
dans la facilité.
Après, l’orme du Caucase nous donne à voir un
sublime tableau de la société japonaise, traversé par
une « modernité », une évolution constante
dans son fonctionnement. En effet, plusieurs de ces récits
nous donnent à voir des personnes âgées tiraillées
par la demande de leur enfant de venir vivre sous leur
toit. Pourtant, bien loin de nous présenter la famille
élargie japonaise comme un modèle inaltérable, les
auteurs nous montrent au contraire de manière
saisissante les changements profonds qui sont en train
de s’ancrer durablement dans les mentalités. Ainsi,
dans « la vie de mon frère », l’un des
personnages, âgé de 69 ans, est parti depuis plusieurs
années de la maison de son fils, refusant d’être un
fardeau et de vivre sous un toit commun, et préférant
travailler. Pour autant, on peut remarquer que le choix
semble se faire entre vivre tranquillement une retraite
dans la maison de son fils, ou alors continuer à
travailler afin de vivre seul, et à aucun moment, le
personnage ne semble envisager la possibilité de vivre
seul à la retraite.
L’orme du Caucase
montre une nouvelle fois la preuve du talent de Jirô
Taniguchi, capable comme quasiment aucun autre
auteur d’émouvoir ses lecteurs en si peu de pages, en
rendant parfaitement sensible le temps qui passe. A
travers des personnages remplis d’humilité,
des histoires touchantes, le mangaka nous offre
encore une œuvre absolument indispensable.
Vincent
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