Ai
Yazawa - Nana
Delcourt/Ataka
- 2003
Nana
est un shôjo manga de Ai
Yazawa, autrement dit une bande dessinée destinée
à la base aux jeunes filles, traitant généralement de
thèmes sentimentaux, mais ici d’une nature inédite
en France, proposant un ton nettement plus mature, débordant
des stéréotypes habituels, avec une qualité
d’ensemble beaucoup plus relevée.
Au
centre de l’histoire se trouvent deux jeunes filles de
20 ans portant le même prénom, Nana, aussi différente
l’une et l’autre que le jour et la nuit. La première,
Nana Komatsu, blonde et naïve, terriblement influencée
par les apparences, vit déceptions amoureuses sur déceptions
amoureuses, avant de rencontrer Shoji lors de son entrée
dans l’école spécialisée en Arts Plastiques. La
seconde, Nana Osaki, brune, clairvoyante, est chanteuse
dans un groupe de sa ville natale. Après nous avoir présenté
dans le premier volume ces deux jeunes femmes et leur
entourage dans deux histoires séparées, celles-ci
se rencontrent alors dans le train en partance
pour Tôkyô, provoquant alors le début d’une longue
relation, combinant à la fois les rapports de chaque
Nana avec son entourage, mais aussi et surtout ceux
entre les deux Nana elle-mêmes.
A travers un dessin rentrant à la fois dans les critères
propres aux shôjo, avec des personnages androgynes à
l’allure longiligne, et qui en déborde largement, à
travers des décors photo réalistes, des visages très
fins et détaillés, l’auteur nous donne à voir un
graphisme très agréable, sans toutefois déborder
d’inventivité ou de merveille, mais qui tend
parfaitement à restituer les atmosphères voulues.
Comme le montrent les nombreux monologues surgissant
notamment à la fin de chaque chapitre, apportant une
grande profondeur temporelle et une agréable touche
nostalgique à l’œuvre, Nana
est avant tout l’histoire d’une relation entre les
deux héroïnes, où l’indicible, le non-dit
surgissant de la confrontation de deux caractères si
différents forment l’intérêt primordial de l’œuvre,
explorant toute une facette de sentiments humains.
Mélange de profondeur et de fraîcheur, de comique et
de tragique, de légèreté et de gravité, dépourvu de
toute mièvrerie, ne traînant jamais inutilement en
longueur, proposant un ton et une atmosphère résolument
réaliste, Nana
apparaît sans aucun doute comme l’un des tout
meilleurs manga de ces derniers mois, et plus encore
comme une bande dessinée absolument incontournable, y
compris pour les réfractaires au shôjo.
Vincent
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