Dans un pays ravagé par la guerre, Christian, Stéphane et Julien essaient tant bien que mal de vivre et jouent aux petits voyous en attendant leur majorité. Un jour, Stéphane rencontre Félix, grand malfrat profitant des circonstances sinistres, qui lui propose un travail pas net ainsi qu’à ses amis. Les trois jeunes, acceptant cette terrible proposition, vont peu à peu sombrer dans la délinquance, la violence, et le crime.
Notes pour une histoire de guerre est, effectivement, avant tout une histoire autour du terme
"guerre". La guerre que connaît le pays où se déroule l’histoire, mais aussi la guerre que se livre le bien et le mal, ce tiraillement permanent que subissent les personnages entre le désir d’autre chose (forcément noir et interdit) et la possibilité d’un retour à la normale. Car, si le sujet est finalement assez convenu (comment des jeunes
bien-sous-tous-rapports deviennent des tueurs à profit, des délinquants de guerre, des criminels sans âme), son traitement est surprenant et de toute beauté.
Le dessin, d’abord, très synthétique, oscillant entre le gris-blanc et l’ocre sombre, simple et brutal, très furtif et sans fioritures, comme si
Baru s’imposait le strict minimum graphique. Il laisse évidemment place à beaucoup d’espace, avec une ligne claire et ample qui s’insère parfaitement dans cette histoire qui prend la fuite, sans retour en arrière possible. On est happé par le destin tragique de ces trois jeunes gens enrôlés malgré eux dans cette descente aux enfers, dans cette atmosphère d’après-guerre (Gipi
semble faire référence aux conflits yougoslaves des années 90) tendue et âpre, terne et pessimiste. Enfin, l’auteur exprime pleinement ses opinions sur les réalités sociales, économiques et psychologiques de nations et de citoyens « en état de guerre », quand l’urgence et la survie sont primordiales, amenant ses inévitables dérives – état de non-droit, enfants-soldats, banditisme et règlement de comptes…
Mais il n’oublie pas pour autant les petites histoires : sous cette toile de fond déprimée, il rend compte d’une belle amitié virile qui se dissout lentement, un trio infernal qui fonce tête baissée vers un mur qui les laisseront déchirés, séparés, sans espoir.
Gipi est un nouvel auteur italien, déjà dans le cercle des dessinateurs contemporains à surveiller ; son fabuleux album a récemment reçu le prix du meilleur album BD à Angoulême. Un prix mérité pour ce beau roman d’apprentissage des dualités que comporte une vie, porté par un dessin sobre et impeccable. Du grand art, à découvrir absolument.
Jean-François Lahorgue
Date
de parution : 24/01/2005
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