C.
Manche & L. Phang - Panorama
Atrabile/coll.
Flegme - 152p N&B - 2004
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Dans le Japon du début du XXème siècle, Hariyoshi,
jeune étudiant reclus et cynique, prépare sa thèse de
littérature. Sans le sou, il se voit aidé financièrement
par Yukio, riche photographe avec lequel il entretient
des relations qui apparaissent pour le moins ambiguës.
Intrigué par l'entrée d'une femme borgne à la pension
qu'il partage avec Yukio et poussé par un sentiment
proche de la jalousie, Hariyoshi va tenter secrètement
de percer les secrets de son compagnon. Que viennent
donc faire les femmes qui rendent visite à Yukio?
Quelle est donc cette Maison Harumi où il se rend fréquemment?
Et quelles relations entretient-il donc avec sa jolie
belle-sœur au tatouage de pieuvre sur la poitrine?
Au fil des chapitres, cette enquête révèle autant d'éléments
qu'elle en occulte et les motivations des uns et des
autres restent nimbés de mystère. Progressant de manière
allusive, le récit bascule même parfois dans un
onirisme qui le propulse à la lisière du fantastique.
Cependant, point de révélations fracassantes, mais
plutôt un trouble qui s'insinue et grandit peu à peu
à mesure que le jeu sur les apparences dévoile les
faces cachées d'une comédie des sentiments sensuelle,
cruelle et fascinante.
Graphiquement, Cédric Manche joue la carte de l'épure
: les décors sont réduits au strict minimum, le trait
ne s'attarde que sur l'essentiel, le découpage en
gaufrier est d'une sobriété exemplaire. L'attention du
lecteur peut dès lors se porter tout entière sur telle
attitude, tel regard, telle expression,… Rendus avec
beaucoup de sensibilité, ces petits riens sont pourtant
révélateurs d'une palette de sentiments extrêmement
fine, détaillée et complexe.
Sans tomber dans un exotisme de pacotille, Panorama
adopte cependant un refus de l'ornementation
tapageuse très proche de l'art de vivre traditionnel
japonais. Souci du détail, mise en valeur de
l'essentiel et narration guidée par les non-dits se réunissent
pour dérouler un fil narratif d'autant plus précieux
qu'il apparaît ténu et fragile.
- Ce
presque rien, je voudrais le rendre agréable, doux,
facile.
- Pourquoi
te soucier autant de cela?
-
Parce que ce
presque rien est la seule chose de toi que je peux
encore toucher.
Subtil
et profondément envoûtant.
Fred
Bruart
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