Charles
Berberian - Playlist
Naive
- 2004
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J’ai la fâcheuse et notable manie, quand j’arrive
chez des amis, ou même de simples connaissances, de
zieuter directement leur bibliothèque et leur discothèque.
Et… pas toujours discrètement. Planté devant,
scrutateur, curieux, ah tiens, elle lit ça elle?
j’aurais pas cru, et ça c’est quoi, oh ça a
l’air pas mal il faudra que je voie ça de plus près,
et oh non, malheur, cette musique c’est de la bouse
infâme, puis-je rester ami avec un garçon qui écoute
des trucs pareil...? Bref, le chiant de première.
Ô joie donc, Charles Berberian
nous livre, dans ce joli recueil, sa discothèque. Ou
tout du moins, une partie, la plus indispensable, celle
qu’il a recopié sur mini-disc, parfois même en deux
exemplaires, une pour la maison, une pour l’atelier,
pour toujours avoir avec soi ces chansons indispensables
et ces airs qui trottent dans la tête.
Chacun de ces mini-discs est orné
par Berberian d’un magnifique petit dessin et
de quelques notes de pochettes.
Le choix est éclectique, les styles se télescopent,
les courants musicaux s’enrichissent mutuellement plus
qu’ils ne s’affrontent, les artistes conviés à la
fête viennent de différentes époques et d’horizons
variés. D’un pinceau élégant, nerveux, toujours
juste (Thelonious
Monk, David
Bowie, Neil
Young), souvent drôle (The
Cure, REM, Nick Cave), Berberian
portraitise au son des notes et au rythme des accords,
et nous embarque pour une virée sonore autant que
graphique. Les morceaux connus nous revenant en mémoire
au fur et à mesure de la lecture. Un livre en forme de
madeleine proustienne. Et de tête chercheuse aussi, que
n’ai-je jamais écouté tel groupe, comment ai-je pu
me passer de cet album? Car Berberian ne se
contente pas de son art iconique, plusieurs textes
nourrissent ces pages: sur Brian
Wilson, les disques bidouillés tout seul, les
reprises ou l’art du portrait. Plongez-vous dans le
texte sur Neil
Young et ses hommes de main, rarement mots ont su si
bien évoquer la musique, donner l’impression de
l’entendre, l’envie de la découvrir.
Rajoutez à tout ça quelques pages
de bande dessinée drôles et autobiographiques, dans
l’esprit du Journal
d’un album paru à L’Association (dans un style
de dessin un peu plus jeté). Berberian y parle là
aussi de musiques, de celles qui ont accompagné des
moments inoubliables, de celles entachées à jamais de
souvenirs sombres, de sa non-rencontre avec Keith
Richards et des règles strictes qui entourent
l’usage et la protection des disques anti-déprimes.
Et une page remarquable, coup de poing à l’estomac,
en hommage à Elliot
Smith. Frissons…
Rajoutez aussi une partie de
cache-cache avec quelques dessins très réussis de son
complice éternel Philippe
Dupuy, et vous obtiendrez plus qu’un livre, une pépite
qui se feuillette à toute heure du jour ou de la nuit,
entre amis, sur un air pop indémodable, sautillant ou mélancolique,
au choix de votre humeur…
Il est de toute façon possible que ce livre vous
redonne le sourire.
Yannick
Thomé
date
de parution : 02/11/2004
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