BD

Jirô Taniguchi - Quartier lointain  (t.1 & 2)   

Casterman/collection Ecritures - 2002/2003

 

 

 

    Jirô Taniguchi, mangaka très reconnu dans son Japon natal, est déjà connue en Europe pour plusieurs œuvres abordant notamment les thèmes du souvenir ou de la plaine jouissance de la vie. Il nous livre avec ces deux tomes de Quartier Lointain son œuvre traduite en français la plus aboutie.

 

    Hiroshi apparaît avoir une vie tout à fait heureuse, mariée à une femme qu’il aime, et papa de deux jolies filles. Il vit aujourd’hui à Tôkyô, loin de sa ville natale de Kurayoshi, où il n’est revenu qu’une seule fois à l’occasion du décès de sa mère qui a élevé seule ses enfants depuis la fuite de son mari. Pourtant, au retour d’une soirée bien arrosée, alors qu’il se trompe mystérieusement de train à la gare de Kyoto, et au lieu de revenir chez lui, Hiroshi est alors curieusement en route pour Kurayoshi , il se retrouve, en pénétrant dans le temple de la ville, dans la peau du garçon qu’il était à 14 ans. Il retrouve alors, à travers ce voyage dans le temps, la vie de son enfance, sa familles, ses camarades, son école. Surtout, il se souvient alors que son père a disparu à cette époque-là.

 

    Le trait de Taniguchi est particulièrement réaliste, tant au niveau du graphisme des personnages que des décors et de l’environnement, inscrivant de plus son récit dans un cadre social quotidien du Japon d’aujourd’hui. L’auteur excelle notamment dans la pose des trames et dans la caractérisation des expressions faciales, inscrivant parfaitement l’œuvre dans son atmosphère intimiste.

 

     Quartier Lointain apparaît par de nombreux aspects se rapprocher fortement d’une œuvre antérieure du même auteur, Le Journal de mon Père, par l’évocation du souvenir, du passé, du rôle de la nostalgie, et du sens et de la maîtrise de la vie, tout en s’en détachant singulièrement dans le traitement et l’analyse des thèmes.

 

    Sans doute moins douloureusement mais aussi joyeusement nostalgique, le narrateur de Quartier Lointain utilise ce retour involontaire en enfance non pas pour simplement jouir de cette jeunesse retrouvée, mais plus profondément pour analyser et dépasser un temps passé et perdu, afin de pouvoir pleinement vivre sa vie d’adulte. Subtil plaidoyer en faveur de la spontanéité de l’enfance (comme le montrent les réactions désabusées de ses camarades face au recul qu’opère constamment sur soi le narrateur), Quartier Lointain s’avère surtout une réflexion sur la capacité de chacun à maîtriser le cours de son existence, à vivre pleinement sa vie et non celle d’un autre, à ne pas fuir la réalité et à donner un sens à son quotidien. Œuvre véritablement bouleversante et émouvante, d’où l’on sort profondément grandi, Quartier Lointain est un chez d’œuvre universel de la bande dessinée, et sans aucun doute l’un des tout meilleurs mangas parus en dans nos contrées.

 

Vincent