La condition des bêtes sauvages encagées, si l’on s’y arrête, est un tourment pour l’esprit. On peut pourtant, au jardin zoologique d'Anvers, oublier parfois de se dire
"Comme elles sont captives" pour s"écrier
"Qu'elles sont belles !"
Colette, La paix chez les bêtes. 1914
Si la provocation était un moulin, nul doute que 13 (Tzameti) en ferait tourner les
pâles encore longtemps. Film abject sur l’abjection, il balade le spectateur en égrenant tous les clichés en vigueur depuis quelques années : l’obsession des nombres
(Seven, 8 femmes, Le 6ème sens, 3 enterrements, 21
grammes) celle du jeu avec la vie (Fight
club), le cynisme érigé en nouvelle église
(Houellebecq pour l’écrit, les frères Coen à l’image) le tout mélangé dans une marmite au fond laborieux. Si l’école Redford
(13 a été primé à Sundance) est la jauge du nouveau cinéma, alors planquons les meubles.
Comme – presque - chacun sait, Tzameti narre l’histoire d’un brave gars, ouvrier sur un chantier normand, tombé par hasard sur une étrange convocation. Laissée en déshérence par le vrai destinataire, qui meurt d’une overdose au début du film, la missive est un gage d’argent à gagner. Comme ouvrier n’est pas un vrai métier (je
plaisante !) on comprend que l’appât du gain et la chevauchée hors des 35 heures envahisse soudain notre jeune homme. Il se rend donc au rendez-vous mystère.
Là, surprise (je plaisante à nouveau), après avoir été briefé, sermonné, le voici étiqueté. Nouveau tu es, 13 tu porteras. Ta
mission puisque tu l’acceptes : entrer dans une sarabande de braves types, chacun tenant un revolver pointé sur la nuque de l’autre. Une balle dans le barillet, puis deux au tour d’après. Celui qui meurt il perd, celui qui gagne il joue encore.
Pendant ce temps, les bookmakers vont bon train, et surprise, v’la t’y pas que le canasson 13, celui à qui on aurait donné le diable sans confession, fait mieux que de la figuration. Bien sûr, il se pisse
dessus, mais il tient plusieurs rounds et il crève
pas. Mon incroyable chanceux comme dirait une chaîne de Télé.
Les jeux du cirque s’achèvent avec le triomphe – modeste - et
l’accès au pactole. Proportionnel au nombre de cadavres qu’on recouvre de blanc et qu’on expédie
au royaume des perdants.
Il y a une certaine bravoure de la part de Gela Babluani, dont c’est le premier long-métrage, à aborder de tels sujets : la fascination mortifère pour l’argent et le gommage de tout humanité. On veut bien croire qu’il n’est ni le premier ni le dernier à s’y attaquer. Aidé par des acteurs parfois captivants et bien dirigés, son film pêche sur un point central : la facture d’un film n’élude pas tout. Si le noir et blanc est convoqué, et l’aspect reportage probablement revendiqué, il n’en demeure pas moins qu’une maison sans fenêtre (au sens propre, puisque l’action se passe dans une bâtisse isolée, comme au figuré)
est vite étouffante. Et que les images ne doivent pas devenir du
papier peint.
Pierre
Gaffié
Film
Français - 1h33 - Sortie le 8 février 2006
Avec Georges Babluani, Aurélien Recoing...
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