cinéma

13 m² de Barthélémy Grossmann

[4.0]

 

 

Après le braquage d’un fourgon blindé qui tourne mal, José, Farouk et Réza trois jeunes apprentis bandits se terrent au fond d’une planque préalablement repérée dont la surface exiguë et anxiogène sert de titre au premier film de Barthélémy Grossmann, par ailleurs interprète principal. Autodidacte, ayant suivi le cours Florent pour devenir comédien, le jeune Suisse nourri aux biographies de Orson Welles, Charlie Chaplin, Bill Gates ou encore Mike Tyson qui ont tous en commun cette farouche détermination à s’en sortir et à réussir, s’est rapidement senti attiré par l’écriture de pièces de théâtre, puis d’un court-métrage Tôt ou tard, dont un extrait est repris dans 13 m².

 

Né d’une balade dans Montreuil qui se singularise par ses nombreux passages désaffectés reliant les quartiers, tissant une structure labyrinthique idéale pour toutes les cachettes possibles, 13 m², en dépit de sa localisation et de la typologie de ses personnages, n’est pas réellement un film de plus sur la banlieue et tous les clichés habituels qu’elle véhicule. L’enfermement sert ici de catalyseur à révéler au grand jour la personnalité de chaque membre du trio et le rapport de chacun avec la société de consommation dont ils sont les victimes directes et inconscientes, pensant s’en affranchir grâce aux gains mirobolants offerts par le braquage. L’argent qui pourrait bien faire le bonheur, mais qui est pour l’heure inutilisable et devient juste le prétexte très concret à rêver tout haut d’horizons lointains et de jours meilleurs. Un pactole qui, au lieu de se révéler une échappatoire à la tristesse quotidienne, précipitera les trois personnages vers la tragédie prévisible, conséquence de leur inadéquation à la société qui les entoure et les lamine.

 

C’est donc un sujet ambitieux, à la fois sociétal et politique, auquel Barthélémy Grossmann s’est attaqué avec une louable énergie, sans doute épuisée à faire face à l’absence de moyens et à l ‘ampleur des missions endossées par le jeune cinéaste qui est également crédité comme scénariste et producteur. Mais on ne le répétera jamais assez : les meilleures intentions ne garantissent jamais la qualité d’un film.

Certes, l’insuffisance des moyens saute ici aux yeux mais son contournement oblige à des astuces qui peuvent donner au final de vrais moments de cinéma : ainsi plutôt que filmer le braquage – séquence forcément spectaculaire qui produirait à coup sûr ses effets – Barthélémy Grossmann opte pour un traitement hors champ : la bande-son du méfait illustre l’enfilade des passages lépreux et taggués qui aboutissent à la planque. Hélas, cette planque annoncée comme le lieu central du développement de l’histoire est très mal utilisée par le réalisateur qui ne rate aucune occasion, même futile sinon invraisemblable, de s’en extraire comme s’il ne savait quoi filmer dans ce trou à rats sordide et fort peu cinégénique.

 

La faiblesse manifeste du scénario qui entache toute la cohérence de 13 m², balançant sans trancher entre banal film de gangster et étude de mœurs , suscite dès lors peu d’intérêt auprès du spectateur que l’ennui finit par envahir. Et malgré sa juste perception des motifs de dysfonctionnement de la société, Barthélémy Grossmann n’offre rien de très novateur. 

Champion de la débrouillardise, le jeune cinéaste est sans conteste volontaire, énergique et plein de ressources. On sent bien chez lui un regard lucide et sans concessions porté sur le monde et un terreau qui ne demande qu’à s’épanouir, si tant est qu’on le débarrasse des mauvaises herbes.

 

Patrick Braganti

 

Policier français – 1 h 24 – Sortie le 20 Juin 2007

Avec Barthélémy Grossmann, Lucien Jean-Baptiste, Youssef Hajdi

 

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www.13m2-lefilm.com