cinéma

April snow de Hur Jin-Ho

[4.0]

 

 

Il y a fort à parier que tous ceux qui aimèrent Locataires l’an passé éprouvent le même plaisir à voir aujourd’hui April snow, dont les points communs avec le film de Kim ki-duk ne se limitent pas à la mise en scène d’une histoire d’amour.

 

In-su, 31 ans régisseur sur des concerts, et Seo-young, 27 ans et femme au foyer, se retrouvent au chevet de leurs conjoints respectifs, responsables d’un tragique accident de voiture. En récupérant leurs affaires et en écoutant les messages de leurs portables, In-su et Seo-young découvrent la liaison amoureuse des deux accidentés. Ebranlés par la révélation, déchirés entre l’amour et la colère, ils se rapprochent progressivement dans le partage de leurs peines.

Comme dans Locataires, l’expression des sentiments intérieurs et même extérieurs passe très peu par la parole. Ici, le langage est celui du corps, d’abord recroquevillé et en pleurs, à l’annonce de la nouvelle, puis s’ouvrant à l’autre dans des étreintes de soutien plus que délibérément charnelles. Le rapprochement entre les deux laissés-pour-compte prend déjà la forme d’une punition infligée aux deux hospitalisés, avant de devenir plus sérieux jusqu’au cruel dilemme du devenir de cette étrange relation à l’éventuelle sortie de coma de ceux-là. In-su et Seo-young ont donc tout le temps de passer par toute une palette de sentiments les concernant eux, mais concernant également l’état de leur mariage. Sera t-il possible de continuer comme avant, comment vivre avec cette trahison ? Une situation presque rocambolesque source de traumas et de déchirures pourtant traitée avec délicatesse et tendresse. April snow est baigné d’une lumière douce et soyeuse, allant jusqu’à rendre amical l’hôpital et ponctué par une mélodie au piano mélancolique.

 

Parce qu’ils sont jeunes et beaux, victimes malheureuses, on compatit beaucoup à ce qui arrive à In-su et Seo-young, rejetant dans la position de traître et de déloyal le couple adultérin, sans que l’on sache quoi que ce soit de la nature, de la force, voire de la légitimité, de l’autre liaison. En mettant en parallèle une liaison extra-conjugale et un « love in progress » par ricochet lui aussi hors-la-loi, Hur Jin-Ho interroge la différence entre liaison et histoire d’amour. Il n’est d’ailleurs pas du tout sûr qu’il y en ait une, la première réservée à tous les autres, donc dévalorisée ou bafouée, la seconde à soi-même, donc magnifiée et transcendée.

Ainsi l’histoire d’amour est-elle belle, mais peut-être pas très morale. En tous cas, elle est rendue possible parce qu’une précédente, cachée et révélatrice d’infidélité, a existé. Pour In-su, la vie bascule et lui ouvre une porte dont il ne soupçonnait même pas l’existence. Pour Seo-young mariée par arrangement, la rencontre avec In-su a quelque chose de stimulant et éveille des sentiments qu’elle n’a probablement jamais éprouvés avec autant d’intensité.

 

Hur Jin-Ho a bien sa place au sein de Hallyu, la nouvelle vague coréenne de cinéastes qui connaissent à la fois les honneurs des grands festivals internationaux et la récompense du succès public, aussi bien en Asie que dans le reste du monde. April snow séduit par son élégance et sa retenue, sa poésie à laquelle la neige tardive et printanière n’est sans doute pas étrangère, et surtout l’interprétation de ses acteurs. En y réfléchissant et pour résumer, April snow, c’est un peu le développement et la conclusion heureuse de In the mood for love. C’est tout dire…

 

Patrick Braganti

 

Drame sud-coréen – 1 H 45 – Sortie le 12 Avril 2006

Avec Ye-jin Son, Yong-joon Bae

 

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