Comme
une image
de Agnès Jaoui 1/2
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Dans le dernier opus du couple supposé rebelle et
anticonformiste du cinéma français – opus bancal,
inabouti et traîne-savates, en un mot raté -, il y a
avait trois beaux sujets à traiter : la satire du
monde de l’édition et de l’impact de la célébrité ;
la compromission dans laquelle il est possible de tomber
pour y accéder ; et enfin – et surtout – une
relation entre un père égoïste et cynique et sa fille
laminée et détruite.
Pour être satirique, il faut manier l’ironie et la
cruauté avec dextérité et panache, tous caractères
absents du film. Etienne Cassard (Jean-Pierre Bacri
dans un éternel rôle de grognon désabusé) est un écrivain
à succès reconnu et momentanément en panne
d’inspiration, qui attire les convoitises de thuriféraires
hypocrites et intéressés. Il pèse de sa goujaterie et
de son mauvais caractère sur son entourage familial et
professionnel. Aucun cliché – agent souffre-douleur,
cocktails mondains et compagne blonde et potiche - ne
nous est épargné de ce monde de faux-semblants aux
compliments faux-jetons phagocyté par les tentacules de
la télévision illustrées ici par un ersatz d’Ardisson
attendu. Cassard pourrait être aussi bien ministre ou
chirurgien que le propos en serait identique. La littérature
est bien mal servie.
Mais
Cassard est célèbre, donc courtisé et flatté. Lolita
(Marilou Berry qui tire courageusement son épingle
du jeu) ne vit qu’à travers les yeux et l’aura
d’un père qui l’ignore et l’humilie, ne lui témoigne
aucune affection. Elle prend des cours de chant pour
tenter d’exister pour elle-même, mais même Sylvia (Agnès
Jaoui qui fait toujours à moitié la gueule) sa
prof de chant la rabroue. Or Sylvia vit avec Pierre un
petit écrivain qui peine à sortir de l’anonymat.
Quand celle-ci apprend que son élève laborieuse
n’est autre que la fille de l’écrivain qu’elle vénère
tout bascule. Pour profiter de l’influence de Cassard,
Sylvia et Pierre vont être capables de tourner le dos
à leurs convictions, leurs anciens amis – dont l’éditrice
de Pierre. Donc de se compromettre, d’accepter par
exemple de manger un jour à midi du lapin alors que
Pierre déteste cela, de subir les railleries et la méchanceté
d’Etienne, pitoyable sale con.
La
moins dupe du tissu des relations échafaudées autour
d’Etienne, celle qui en a la vision la plus noire,
c’est bien sûr sa fille Lolita. Mal dans sa peau,
cette fille grosse et immature, qui peine à trouver sa
place dans ce milieu d’apparences, est déjà
incapable de confiance et d’amour. Persuadée d’être
considérée comme passerelle d’accès aux faveurs
paternelles, elle en devient maladroite dans ses
relations, entre autres avec un jeune Beur apprenti
journaliste.
On ne peut certes pas reprocher à Jaoui et Bacri
de s’attribuer les meilleurs rôles ou de s’accorder
quelque indulgence : entre l’opportuniste
compromise et l’affreux jojo cynique et blasé, il
n’y a pas grand-chose à sauver.
La
bassesse de l’être humain n’est pas chose nouvelle,
mais on a connu les deux auteurs mieux inspirés et plus
percutants. Submergé sous les clichés et les lieux
communs, le film se présente d’abord comme une
succession de tableaux sans lien apparent ni cohérence,
provoquant ennui et désolation. Malgré quelques répliques
qui font mouche, l’ensemble des dialogues sonne creux
et convenu, ce qui rend une fois de plus sceptique sur
le discernement du dernier jury de Cannes.
En fait, Comme une image décolle vraiment dans
le dernier quart et il est hélas trop tard. Le
spectateur a depuis longtemps rendu son tablier et même
le crescendo tant espéré retombe vite comme un soufflé
mal préparé. En faisant marche arrière, Lolita n’a
pas encore résolu tous ses problèmes et on regrette
beaucoup que la réalisatrice, se contentant de brosser
des portraits acides et convenus, ne se soit pas
davantage impliquée dans une conclusion plus tranchée.
A
l’instar de leur écrivain en mauvaise passe, il
semble bien que la répétition facile et fainéante
guette les deux auteurs, ce qui est au demeurant bien
regrettable.
Patrick
Braganti
Français
– 1 h 50 – Sortie le 22 Septembre 2004
Avec
Agnès Jaoui, Jean-Pierre Bacri, Marilou Berry, Laurent
Grevill
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