Un
des leitmotive habituellement utilisé par Karl
Zéro comme slogan et comme règle de conduite
– et c’est aussi le nom de sa société de
production – est tout entier résumé dans ce
tonitruant Méfiez vous des contrefaçons.
Conseil fort avisé que son auteur devrait
commencer par s’appliquer à lui-même. S’il
fallait encore une preuve que Karl Zéro ne
doit son succès qu’à la supercherie et le gros
trait peu subtil, relayé jusqu’à peu par
Canal+, Dans la peau de Jacques Chirac
tombe à pic. Avec ce documentaire lisse et très
vite ennuyeux, se voulant incorrect alors qu’il
ne fait qu’effleurer l’insolence et la satire,
nul doute que notre cher Président puisse encore
dormir longtemps sur ses deux oreilles.
En
fait, Dans la peau de Jacques Chirac est
construit sur deux idées, l’une plutôt bonne
anéantie par l’autre, stupide et stérile. La
bonne, c’est d’avoir puisé dans le fonds
gigantesque des images et d’en avoir réalisé
un montage énergique au message évident :
en quarante ans, Chirac a dit tout et le contraire
de tout. C’est Michel Royer, homme de télévision,
fourmi besogneuse aimant explorer les archives
audiovisuelles, qui s’est logiquement chargé de
compiler des centaines d’heures d’images, à
croire que Chirac a toujours été filmé. La très
mauvaise idée, fruit de la collaboration entre Karl
Zéro, le journaliste politique Eric
Zemmour – spécialiste patenté de Chirac
– et l’imitateur Didier Gustin, réside
à envelopper l’épatant montage de Royer
d’une voix off – Gustin imitant Chirac
– comme vecteur autobiographique. Par ce
dispositif, on nie de fait toute crédibilité et
toute vraisemblance au projet, le réduisant à
une gentille pochade, même pas très drôle. A
cet égard, les paroles authentiques du Président
font plus souvent mouche que les pâles imitations
de Gustin.
Outre
l’ennui et l’inintérêt qui nous gagnent,
nous sommes également de plus en plus atterrés
par le portrait qui nous est livré de Chirac :
celui d’un grand dadais sympathique et roublard,
animal politique retors, passé à travers nombre
d’embûches, presque inoffensif, le genre de
gars à inviter aux banquets de communion, avec
qui aller boire une bonne bière. Ca en devient
franchement gênant, eu égard aux affaires –
bizarrement absentes du film – dans lesquelles
Chirac est plus ou moins impliqué. Personne ne
pourra croire un instant que pour durer plus de
quarante années dans ce monde de requins et de
tueurs, pour passer des emplois subalternes à la
direction des affaires d’un pays, en connaissant
des hauts et des bas, des revirements de
situations incroyables, il ne faille pas être
soi-même le plus matois, le plus machiavélique
des hommes politiques.
Le
documentaire faux-cul de Karl Zéro ne développe
aucune analyse politique et se contente de plaquer
sur un kaléidoscope d’images étonnantes et inédites
un texte balourd et de plus en plus vulgaire.
Reste donc au spectateur à démêler l’écheveau
pour remettre en perspective les agissements
contradictoires et sans vision de Jacques Chirac
et tenter de se réconcilier avec la société
politique, ici montrée sous son jour le plus
putassier et le plus grand-guignolesque.
Patrick
Braganti
Documentaire
français – 1 h 30 – Sortie le 31 Mai 2006
Avec
la voix de Didier Gustin
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