Reflet convenu de l’état de déliquescence d’un
certain cinéma américain, Hollywoodland
est un film malade et boursouflé, aussi fatiguant
que fatigué, qui ne parvient jamais à masquer
tout à fait sa souffrance sous une couche
pourtant large de make-up. Métaphore plus
souple : film-cake ou pudding épais.
Indigestion annoncée.
Ce genre de chanson, on en connaît le thème -
mille fois rebattu - (enquête sur un meurtre dans
la High Society), le refrain (monde pourri
interlope où les ambitions s’entrechoquent) et
les couplets (montage parallèle entre l’enquête
vécue live et des flashs back vers
un réel supposé). Et alors ? Alors rien, ou
pas grand-chose. Hollywoodland vient
s’ajouter à une longue liste de films
oubliables et qu’on oubliera, catégorie meurtre
sur Sunset Boulevard. Citation faite exprès,
bien sûr, pour rappeler combien le film de Wilder
savait, autrement mieux que ses récents petits frères
(LA Confidential ou Le Dahlia Noir pour
n’en retenir que les fameux), nouer dans un bloc
narratif unifié de multiples lignes de récits.
L’éparpillement somptuaire des trames comme de
la reconstitution tape à l’œil voudraient ici
remplir par défaut l’absence manifeste de tout
désir de réalisation, et, globalement, de
toute réflexion un tant soit peu extirpé des
vieilles routes balisées. Zéro surprise et zéro
geste : Hollywoodland est au cinéma
ce que les récitatifs sont à l’opéra, un long
monologue informatif parfaitement désincarné.
S’il fallait pourtant démarquer le film d’Allen
Coulter de ses devanciers, ce serait
simplement pour noter ce qu’il révèle des
complexes relations entre le grand et le petit écran.
Car, ce qui finit par abattre George Reeves
(Ben Affleck, ni plus, ni moins), ce
n’est pas tant la jalousie ou la possessivité
de certaines femmes (Diane Lane enfin révélée)
mais son incapacité à littéralement
s’extirper de l’écran de télévision pour
s’épanouir (pense-t-il) sur la toile des salles
obscures. Prisonnier d’une image de marque (Superman)
dont il retire pourtant gloire et popularité, Reeves
ne deviendra jamais le Clark Gable qu’il
se rêve d’être. Ce qui, pour Coulter,
suffirait donc à signer l’échec d’une vie.
Discours à résonances sous la caméra d’un réalisateur
tombé tout droit de l’univers efficace de la série
télévisée (Rome, Sopranos, Sex
and the City), qui offre la vedette à
Monsieur Sydney Bristow (Alias) en
l’entourant d’une Robin Tunney (Prison
Break), d’une Molly Parker (Deadwood)
ou d’un Larry Cedar (re-Deadwood).
A l’heure des TV Shows novateurs, ce geste de cinéma
doit être considérer pour ce qu’il est :
la confirmation d’un renversement de tendance où
Hollywood, perclus de rhumatismes, a bel et bien
perdu la main.
Christophe Malléjac
Film américain (2005) – 2 H 06
– Sortie le 3 janvier 2007
Avec Ben Affleck, Diane Lane,
Adrien Brody
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