Just
a kiss de
Ken
Loach
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Le précédent film du
prolifique Ken Loach : Sweet Sixteen
mettait en scène un adolescent frondeur qui souhaitait,
par-dessus tout, offrir une maison à sa mère lorsque
celle-ci sortirait de prison ; reconstituant ainsi
autour d’elle un noyau familial fait d’amour et de sécurité.
Autrement dit, une parabole sous fond largement social,
terrain de prédilection de Loach, de la nécessité
de la famille comme espace de réconciliation et de
bonheur possible.
Cette famille, dans Just a kiss,
s’avère très vite pesante et un obstacle pour Casim
Khan, jeune émigré pakistanais qui tombe amoureux de
Roisin, la professeur de musique de sa petite sœur
qu’il rencontre par hasard à la sortie de l’école.
En effet il est prévu dans les perspectives de respect
des traditions de la famille Khan que Casim se marie
prochainement avec Jasmine, une lointaine cousine vivant
au Pakistan. Autant dire que l’arrivée brutale de
Roisin, irlandaise et catholique, dans la vie de Casim
bouleverse ces projets et pose au jeune homme le cruel
dilemme de la rupture avec la famille ou de celle avec
sa bien-aimée.
Il y avait bien longtemps – depuis My
name is Joe en 1998 – que Ken Loach n’avait pas
mis tant d’amour dans un film. De l’amour, et
c’est une première, même charnel et physique, mais
traité comme pour le reste, avec beaucoup de délicatesse
et de pudeur. On peut effectivement beaucoup gloser sur
l’aspect un peu trop sentimental ou trop appuyé des
films de Loach et bien sûr arguer qu’il ne fait que décliner
des thèmes identiques. Admettons, mais cela est vrai
pour 90 % des artistes. Ce qu’on ne peut pas lui
reprocher, c’est de faire des films avec son cœur et
ses tripes et cette tendre sympathie qu’il ressent
pour ses personnages transparaît forcément à l’écran.
Le mérite de Just a kiss n’est pas de nous conter une
charmante bluette émaillée ici ou là de quelques péripéties.
Le film va tout de même plus loin et pose en filigrane
le problème des différences, ici religieuses et donc
culturelles, qui empêchent le rapprochement de deux
individus. Bien sûr, cela est surtout manifeste du côté
de la famille de Casim : si la sœur aînée s’apprête
déjà à convoler en un mariage arrangé, les deux
cadets – Casim l’amoureux et Tahara la petite sœur
qui voudrait bien faire des études de journalisme –
montrent plus de rébellion en ne souhaitant pas
emprunter les chemins tout tracés. Mais on s’aperçoit
aussi que du côté de Roisin les choses ne sont pas
davantage plus faciles, notamment lors d’une scène
presque surréaliste où, venue chercher un certificat
de bonne conduite auprès du prêtre de la paroisse afin
d’obtenir sa titularisation définitive, ce dernier
lui assène violemment une leçon de morale, allant
jusqu’à lui demander in fine de rompre avec Casim ou
d’aller faire l’école chez les protestants.
En 2004, dans un des pays les plus
modernes et civilisés de la planète, on est attristés
de constater une cohabitation toujours plus difficile,
chacun enfermé dans ses certitudes de son bon droit.
C’est là tout l’intérêt du dernier film de Ken
Loach, à la mise en scène sans fioritures excessives
et à l’interprétation fine et efficace, de nous
donner à réfléchir, à partir d’une situation
personnelle, sur la difficulté majeure à vivre
ensemble, là ou ailleurs.
Patrick Braganti
Royaume-uni – 1 h 43 – Sortie le 14 Juillet 2004
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