L.I.E
(Long Island
Expressway) de Michael
CUESTA
A l’époque du déferlement des films pré-formatés
américains qui répondent à des besoins
expansionnistes du marketing, sinon au goût avéré des
spectateurs particulièrement suivistes, on est toujours
heureux de saluer la production de films indépendants,
d’autant plus quand ceux-ci, traitant de sujets peu
politiquement corrects, sont précédés d’une réputation
sulfureuse, éveillant la curiosité (malsaine ?)
de votre serviteur.
Dans une banlieue new-yorkaise, Long Island, plutôt
bourgeoise, vit Howie, jeune ado qui trimballe son ennui
en compagnie de son meilleur pote Gary avec qui il fait
les quatre cent coups dans les beaux pavillons
environnants. Lors d’un de ces larcins, Howie se fait
choper par Big Jim, ancien Marine US avec lequel une étrange
relation va se nouer, à la fois substitution d’un père
escroc et absent (la mère de Howie est décédée) et séduction
ouverte de la part de Big Jim, qui ne cache en rien ses
penchants pédophiles. Saluons ici le jeu tout en délicatesse
de l’acteur écossais Brian COX, vu dans des
films de Ken LOACH ou encore Braveheart.
Dans une Amérique plus que jamais puritaine, un tel
sujet qui expose et n’a pas vocation à juger ou
condamner avait tout pour mettre le feu aux poudres.
Michael
CUESTA,
dont c’est le premier film, a étudié la photographie
et la littérature. Il a jusqu’à présent travaillé
dans le monde de la publicité et met dans son filmage
et son approche de ses jeunes acteurs son savoir-faire
acquis de photographe, , ce qui n’est pas sans
rappeler l’ambiance des films de Larry CLARK,
notamment le très dérangeant Holly.
Mais là où Larry CLARK multiplie les
expositions souvent complaisantes et très sexuées de
ces acteurs, Michael CUESTA privilégie un
traitement bien plus soft et surtout bien plus subtil.
Il n’y a pas dans son film d’images choc, hormis les
jeux dangereux d’équilibriste de Howie au-dessus de
l’autoroute qui donne son titre au film, ni de
dialogues particulièrement hard.
Au contraire, lorsque l’histoire se resserre sur les
deux protagonistes, on sent poindre comme une séduction
réciproque, une fascination mutuelle dans laquelle
chacun trouve son compte. C’est bien dans la complexité
de cette relation naissante que le film devient réellement
intéressant et singulier et vous laisse bien après sa
projection une impression curieuse qui ébranle des
positions évidentes, mais pas toujours très profondes.
Les
personnages ne sont pas ici réduits à une caricature :
Howie n’est pas qu’un branleur, son goût des
lettres et de la poésie le prouve amplement ; et
Big Jim n’est pas non plus qu’un vieil homme obsédé
ou vicieux, le comportement certes exagéré d’un
ancien amant supplanté par Howie montre aussi la dépendance
engendrée.
Récompensé du Grand prix du Jury au dernier festival
de Deauville, L.I.E. révèle un nouveau cinéaste
indépendant américain, denrée suffisamment rare, pour
que nous ayons aujourd’hui une vraie envie de le
suivre.
Patrick
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