Last
life in the universe
de Pen-ek Ratanaruang
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Sur
la base d’une rencontre improbable entre un bibliothécaire
japonais suicidaire, obsessionnel, lymphatique et contrôlé
et une jeune prostituée thaï, bordélique, déstructurée
et spontanée, le cinéaste Pen-ek
Ratanaruang (réalisateur entre autres de « Monrak transistor ») nous livre ici un petit joyau de comédie
noire, film d’atmosphère humide présentant deux
solitaires dont les destinées plutôt chaotiques vont
se croiser pour un pire qui devient meilleur. Œuvre
originale donc, porteuse d’un climat hypnotique, dans
la lignée de l’esthétisant « Lost in
translation », ce film contemplatif, y compris
lors des scènes les plus violentes, est un film à découvrir !
Evidemment, avec une référence livresque comme
« le lézard noir », il n’est pas étonnant que Pen-ek
Ratanaruang ait choisi d’orienter son film vers
l’humour noir, voire le burlesque. Et les obsessions
esthétiques ainsi que l’ambiguïté sexuelle du
flegmatique Kenji, n’auraient sûrement pas été reniés par Mishima, le « kamikaze
de la beauté ».
On se régale ainsi à constater les ratages successifs
du pourtant méthodique Kenji
dans ses tentatives de suicide, toujours dérangé par
un gong sonore au moment ultime… (Tadanobu
Asano
récompensé
par le prix d’interprétation masculine à Venise, et
qu’on avait déjà apprécié dans d’autres films
comme « Zatoichi »
et « Jellyfish »).
On est touché par sa rencontre avec Noï,
séduisante jeune thaï à la langue bien pendue
(magnifique Sinitta
Boonyasak,
mélange de beauté, de sensualité et d’espièglerie !).
Et leur relation curieuse, floue, improbable (ils
n’ont aucun point commun !), sensuelle et
pourtant non charnelle, va peu à peu évoluer dans
cette maison bordélique où plane le fantôme d’une
morte, et où le ménage se fait comme par magie
(magnifique scène frôlant le fantastique). Et ainsi,
malgré toute l’incongruité de la situation, tout
nous semble pourtant logique, évident, et le spectateur
bascule lui aussi dans le non rationnel, et observe avec
amusement et tendresse l’évolution de ce couple un
peu curieux qui ne partage même pas la même langue
(lui est japonais, elle est thaïlandaise)… Et dans ce
film plein de non-dits, à la beauté sculpturale où
certains plans pourraient être des tableaux en soi, où
le sang lui-même devient une peinture abstraite, on
assiste à l’histoire finalement toute simple d’une
rencontre singulière où deux mortifères réapprennent
à se poser, à vivre, à rire, voire à se projeter
dans un futur moins noir…
Beaucoup de choses au final dans ce film : une
histoire émouvante sous une apparence tantôt
burlesque, tantôt désenchantée ; une histoire où
chacun apprendrait l’air de rien à l’autre à vivre
avec ses propres zones d’ombre ; une relation
d’osmose, ambiguë et pourtant feutrée, dans une
torpeur moite toute estivale ; un apprentissage de
la vie en fait, mais d’une vie qui saurait garder tout
son mystère… en bref, un dépaysement asiatique élégant,
signé par un cinéaste singulier qui possède un vrai
style personnel.
Cathie
Thaïlande,
japon, Pays-bas,
Singapour
– 1h52 – sorti le 17 Mars 2004
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