Les
Jours Où Je n'existe pas
de
Jean-Charles
Fitoussi 1/2
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Un homme n’existant qu’un jour sur deux, voilà une
histoire qui peut paraître étrange, car comment passer
du tout au rien ? Comment montrer l’infime limite
entre le réel et le néant, entre notre quotidien et le
fantastique d’une telle situation ? C’est le
pari relevé par Jean-Charles Fitoussi, qui nous
ballade dans ce film entre Paris et le Sud de la France
dans une sorte de comptine fantastico-initiatique, mêlant
burlesque et réalité, tendresse et absurde.
Le
film croise ainsi deux histoires : celle du petit Antoine,
un garçon d’une dizaine d’années, qui, après le décès
de son grand-père est emmené par un oncle bienveillant
dans le Sud, utilisant, à la manière des contes
d’antan, plusieurs modes de transports et chemins de
traverse, dans une sorte de pèlerinage nécessaire à
l’enfant après la perte d’un être aimé. Et puis
il y a celle d’Antoine, un adulte d’une quarantaine
d’années, qui ne vit qu’un jour sur deux. Il
disparaît en effet subitement et simplement durant la
nuit -à minuit précisément- pour ne reparaître que
24h plus tard, dans le même lieu qui l’a vu éclipser,
tout aussi brutalement. Sa vie est rythmée, les jours où
il existe, par quelques évènements élémentaires :
aller chercher le journal, faire ses courses, acheter,
sa baguette, prendre un café, se balader dans son
quartier. Des choses à l’aspect banal, mais qui
prennent toute leur ampleur à l’échelle singulière
de cet homme : en ne vivant qu’un jour sur deux,
on passe forcément à côté de milliers de choses. Que
se passe-t-il lorsqu’on n'est pas là ? Que
devient le monde ? Que devient-on ?!
Si
Antoine a arrêté de se poser des questions sur le
drame de sa vie, une vie pas très sociale, pas très
animée, il en est tout autrement lorsqu’il tombe
amoureux de Clémentine, aussi belle que de la
rosée sur une fleur. Subjugué, il lui avoue rapidement
son amour et peu après, la terrible cruauté de sa
moitié de vie. Clémentine décide alors d’emménager
avec lui et de rentrer dans son univers. Elle est
aimante et pleine de vie, pleine de cette vie entière
dont Antoine est privé. Mais au fur et à mesure, elle
semble très bien s’accommoder de ce rythme de vie, et
le pauvre Antoine d’essayer de comprendre ce qui se
passe durant ses absences…
La
vie est constituée de petits moments, de choses
infimes, anodines, sur lesquelles quelques personnes
portent parfois un regard. La vie d’Antoine, faite de
pleins et de vides, a cette tonalité triste qui fait
que, présent ou pas, chaque instant, chaque seconde, a
son importance. Embarqués par l’œil du réalisateur,
on passe d’un récit à l’autre par les oscillations
de la caméra : plans en mouvements pour les jours
où Antoine existe, et fixes pour les jours où il est
dans cet « ailleurs », dans le néant (mais
peut-on vraiment exister dans le néant ?!). Le
film est tragiquement poétique et parsemé de touches cocasses, la beauté pure des plans
suffit à s’immerger complètement dans le récit narré
par l’oncle du petit Antoine (joué par Luis Miguel
Cintra). Un Antoine, campé par Antoine
Chappey, type parfait du pauvre bougre, simple et écrasé
par sa non-vie finalement. Sans l’énigmatique présence
de Clémentine Baert, à la beauté silencieuse
et gracile, le film n’aurait pas cet aspect aussi mystérieux,
aussi magique, alors qu’aucun effet spécial ne nous
plonge ailleurs que dans cette réalité, celle de tous
les jours, rendue fantastique.
Un conte poétique à conseiller aux âmes sensibles.
Alice
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