Les chemins de l'oued
de Gaël Morel
Découvert par André Téchiné comme acteur dans
Les roseaux sauvages, Gaël Morel est
depuis quelques années passé de l’autre côté de la
caméra pour devenir un réalisateur sous influence évidente
du réalisateur du Lieu du crime, avec des résultats
plus ou moins heureux ( la chronique adolescente A
toute vitesse n’a certes pas laissé des souvenirs
impérissables) . Cependant ce dernier film est plutôt
à classer dans les bonnes surprises, grâce à un sujet
fort, servi par un bon casting et une mise en scène
sans artifices ; Morel ayant enfin renoncé
à ses propres démons : l’homosexualité, jusqu
’à présent toile de fond récurrente
et son attirance très marquée pour les jeunes
beurs.
A la suite d’une malencontreuse bêtise qui provoque
la mort d’un flic, Samy (impeccable Nicolas Cazale)
se voit dans l’obligation de quitter rapidement la
France pour rejoindre la Kabylie, où vit encore son
grand-père malade, ainsi que sa cousine Nadia veuve
d’un ancien terroriste et son cousin Issam expulsé de
métropole. Pour Samy, qui ne parle pas un mot d’arabe
et connaît très peu le pays d’origine de ses
parents, le choc est dur. Lui qui a commis l’irréparable
en France, auréolé d’un statut de petit caïd, tombe
dans les pommes à la vue de l’égorgement d’un
mouton. Son grand-père le voit quasiment comme un
sauveur, celui qui va redémarrer l’exploitation
d’une ancienne terre aujourd’hui abandonnée par le
cousin veule, qui préfère se livrer à des trafics peu
recommandables à Alger. Sa cousine enceinte et déjà
murée dans la résignation et la douleur l’attire étrangement.
Elle s’occupe d’enfants traumatisés par les
attentats et la confrontation subite de Samy avec ces
petits êtres en détresse totale donne lieu à la plus
belle scène du film, tendue et intense.
En effet, au-delà de l’histoire resserrée sur Samy
et quelques personnages, Morel n’oublie pas
l’endroit où il tourne, plaçant son film dans
l’histoire d’un pays exsangue, déchiré et blessé.
L’Algérie,
ici plus particulièrement la Kabylie, est un pays réellement
magnifique, aux paysages sublimes qui renforcent
d’autant plus le caractère tragique du film.
Pour
Gael Morel, ce film est certainement le signe
d’une maturité accomplie et la rupture avec des
univers trop contingentés, laissant augurer pour de
prochaines œuvres d’un vrai regard de cinéaste, dont
on ne peut nier aujourd’hui le savoir-faire.
Patrick
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