cinéma

Les invasions barbares de Denys Arcand   

 

 

 

    Ah la la ! Quelle déception pour ce film du canadien Denys Arcand, pourtant primé à Cannes… Après le régal que fût « Le déclin de l’empire américain », j’attendais impatiemment cette suite, excitée à l’idée de retrouver les personnages caustiques et pleins de vie, dont la verve m’avait beaucoup amusée il y a quinze ans. Et bien, ils ont vieilli, salement…

 

    Patinant entre la comédie et le drame psychologique, je n’ai pourtant réussi ni à rire, ni à être « cueillie » émotionnellement par ce film. Et je me suis sentie à mille lieux de ces personnages, pas sur la même planète quoi! Et même si le processus d’identification n’est pas toujours gageure d’un film qui nous plaît; l’apitoiement très égocentrique de ces personnages qui semblent vivre d'ailleurs en vase clos dans leur monde, occulte beaucoup de choses... dont une certaine humanité et légèreté qui apparaissent, paradoxalement, très restreintes !

 

    A défaut d’être vraiment drôles, ils pourraient pourtant nous toucher, ces quinquas qui veulent se protéger et qui voient des « barbares » partout. Eux qui s’imaginent que l'intelligence, mariée à l'ironie et à la lucidité, peut les sauver du reste; ils ne font que passer à côté de beaucoup de choses... Mais qu'est-ce qui a grâce à leurs yeux bien désenchantés ?! L'amour, n'en parlons pas... la politique, la religion, la société de consommation, le matérialisme, le milieu intellectuel... l'amitié, peut-être... et encore. On se demande même si ce n'est pas plutôt sur eux-mêmes qu'ils s'apitoient: leurs illusions perdues, leur vieillesse tout en « accompagnant » laborieusement leur ami dans ses derniers instants...

 

    Et puis le traitement du film est pompeux, besogneux. A part le jeu tout en finesse de Marie-Josée Croze (Prix d’interprétation féminine à Cannes), seul personnage réellement attachant; tout le reste parait englué dans un « trop signifiant ». Les dialogues par exemple, qui ont pourtant fait tout le sel du film précédent. Certains nous font sourire, mais ils ont l'air tellement écrits, tellement peu naturels, sauf s'ils sont censés évoquer le typique des intellos qui s'écoutent avant tout parler. Ils sont constamment soucieux de leur effet et la plupart du temps « en représentation » ! Si c’était là l’intention de Denys Arcand, bien vu ! Pour les rires, passons la main…

 

   Bien sûr la mort et le désabusement ne sont pas des sujets faciles à traiter au cinéma… Ceci étant, le prendre par le biais émotionnel contrôlé où la mort semble avoir été pensée, réfléchie, appréhendée… ne m’a pas semblé pertinent. Peut-être aurait-il fallu l’aborder par le registre de l'émotionnel « lâcher prise » qui s'assume pleinement sans que cela tombe non plus dans le pathos. Ici, le réalisateur se prend lui-même les pieds dans trop d'ambiguïtés et trop d'«intentions». Semblant chercher à faire un film cérébral, et en même temps tirant sur les cordes de l'émotionnel. N'assumant peut-être, au fond, ni l'un ni l'autre…

 

    Peut-être que le subversif aujourd'hui serait d'oser parler de la mort (et/ou de l'amour) sans prendre de biais, sans user d'humour faussement distancié, en assumant pleinement l'aspect émotionnel ! Je le dis haut et fort, le bon vrai mélo qui s'assume (comme « Nos meilleures années ») est aujourd'hui, parmi tous ces films faussement cyniques, le genre le plus révolutionnaire !

 

    Pour ma part, j’aurais bien euthanasié moi-même tout ce joli monde pour pouvoir sortir plus tôt de la salle de cinéma. Mes glandes lacrymales faisaient la grève ce jour là, ne fonctionnant par intermittence que par excès de baillements… mais les rires et l’émotion étaient cruellement absents au rendez-vous.

 

Cathie