Little
Children est un film de scénariste, huilé
comme un moteur de Formule 1, articulé comme un
pantin du Luxembourg, rond comme un cercle, fermé
sur lui, logique et raisonnable. Il ressort de
cette catégorie bien connue des films-satires qui
prétendent soulever la chape de plomb posée sur
une époque et un lieu, la middle class américaine,
province névrotique, banlieues huppées, jeu des
apparences. Propos rabâchés donc, au moins
depuis l’assez bon American Beauty qui déjà
pourtant souffrait d’un trop besoin de cohérence,
d’une cohésion limite pleine de morgue et de mépris
envers son sujet : ce monde décrit au fond
serait si simple, mécanique décelable à
l’envi, schéma classique qu’ont prolongé les
Desperate Housewives désormais en pilotage
automatique vain et vu.
On
retrouve dans le film de Todd Field les
figures attendues : mères au foyer
puritaines, mari sexuellement régressif, flic
fascisant, vierges de bourg, adultère sans portée.
Le défilé des nouveautés (freaks actualisés)
nous est si familier qu’on attend impatiemment
le dérèglement, qui jamais ne viendra. Plus que
son emballage pseudo-littéraire, le vrai-faux
vacillement des positions ou l’interchangeabilité
des rôles (flic empathique, méchant victime et
coupable), Little Children fonde sa valeur
sur cette attente déjouée, l’espoir insistant
en un saut périlleux par-dessus la foule des
clichés, son incapacité à se laisser dominer
par le cinéma pur, à laisser la caméra prendre
le dessus sur l’écrit (bas de gamme : scénario
explicite et direct).
Constat
d’autant plus regrettable que Field sait
user de sa caméra comme d’un harpon qui saisit
la matière, les peaux, les arbres, la nuit.
Symbole de cette impasse finale : une longue
marche au crépuscule, avancée somptueuse et
muette vers l’inconnu, qui fait plouf. Le
constat est accablant ; cette réalisation
bridée au service du scénario est un aveu
tranquille de non-cinéma, l’écrabouillement
des textures sous le poids d’un logos pâteux ;
bref : la gloire du concept.
Christophe
Malléjac
Film
américain (2005) – 2 H 20 – Sortie le 24
janvier 2007
Avec
Kate Winslet, Patrick Wilson, Jennifer Connelly
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