Lonesome Jim de
Steve Buscemi
[4.0]
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Promener des chiens à Manhattan ne nourrit pas
son homme à priori. En tout cas pas Jim obligé malgré
lui de réintégrer le foyer familial dans un bled paumé
au fin fond de l’Indiana. Si son frère Tim et son père
l’accueillent avec réserve et suspicion, sa mère au
contraire ne cache pas sa joie de revoir son « joli
petit garçon ». Pas si sûr que ce grand benêt
à la dépression chronique et au malheur chevillé à
l’âme soit aussi gentil que sa mère le laisse penser
ou tente de s’en persuader. Quand elle lui glisse
quelques billets pour aller au bar du coin, il n’hésite
pas à prendre un petit supplément dans son sac à
main. Et au bout de quelques jours à la même mère
soucieuse de l’état dépressif et mélancolique de
ses rejetons, Jim répondra sans ciller que « certaines
personnes ne devraient jamais être parents ».
Tout comme il aura suggéré à son frangin guère mieux
loti que lui que « le suicide était la
meilleure voie ». Lequel se retrouve dans le
coma quelques heures plus tard après avoir percuté un
arbre au volant de sa voiture, mais peut-être
n’est-ce qu’une coïncidence ?
Selon la terminologie en vigueur chez les
sociologues, Jim est à ranger dans la catégorie
« adulescente ». Derrière ce
barbarisme se cache une nouvelle génération de jeunes
gens, principalement masculins et occidentaux. Ils se
caractérisent par leur refus plus ou moins conscient
d’entrer dans le monde des adultes, fuyant les
responsabilités et préférant une vie oisive aux
crochets de parents larges d’esprit et…du
porte-monnaie. Le pauvre Jim, triste héros solitaire
– et pas tant que ça – de son époque est donc un
parfait branleur aux états d’âme existentiels, sans
grands projets sur son avenir.
Il va donc falloir beaucoup de courage et de persévérance
à la jolie infirmière Anika rencontrée dès la première
incursion dans un des bars minables de la bourgade pour
convaincre le mollasson déprimé de l’intérêt
qu’il suscite chez elle. Comme tout dépressif qui se
respecte et n’hésite pas à en faire des tonnes, Jim
cultive nonchalance et inappétence avec un égal
talent. Lorsque ses parents, entrepreneurs volontaires
et positivistes aux antipodes exacts de leurs deux
grands dadais, sollicitent l’aide de Jim pour filer un
coup de main à l’entreprise, celui-ci d’abord très
réticent finit par accepter sous la contrainte et
passer le plus clair de son temps dans des trafics plutôt
louches en compagnie de son oncle, célibataire marginal
acoquiné aux putes locales et défoncé la plupart du
temps au shit.
Avec
une mère désireuse de maintenir les apparences vaille
que vaille, avec un père réservé, un frère tout
aussi looser que lui (sa femme l’a plaqué lui
laissant la garde de leurs deux filles et il tente
d’entraîner l’équipe féminine de basket-ball avec
une constance dans l’échec absolument remarquable) et
enfin avec un tonton déjanté et peu fréquentable, on
veut bien accorder à Jim quelques circonstances atténuantes,
même si l’envie de le pousser ou de lui souffler à
l’oreille de moins se regarder le nombril (et plutôt
de s’occuper de celui d’Anika) nous taraude souvent.
Portrait d’un garçon de son temps, portrait
d’une Amérique profonde et rurale (celle des ploucs
qui constituent l’électorat républicain), Lonesome
Jim, qui n’a surtout pas oublié de distiller
humour et décalage dans son propos, fleure bon le cinéma
indépendant. D’abord parce qu’il est signé d’un
des acteurs chouchous des frères Coen, de Tarantino ou
de Jarmusch : Steve Buscemi, dont le troisième
passage derrière la caméra en tant que réalisateur,
confirme tout le bien que l’on pensait de lui. Ensuite
par le choix de Casey Affleck, un des deux égarés
dans le désert de Gus Van Sant (Gerry), et de Liv
Tyler, ancien mannequin vedette chez Chanel et Gap,
vue chez Oliver Stone et sacrée star internationale
avec Armageddon et Le seigneur des anneaux.
Réalisé avec trois bouts de ficelle, sans prétention
excessive, Lonesome Jim se laisse regarder par
plaisir, parce qu’il est empreint de tendresse et réussit
à créer une atmosphère pleine de charme et de
fantaisie en quelques plans.
Patrick
Braganti
Film
Américain – 1 h 31 – Sortie le 16 Novembre 2005
Avec
Casey
Affleck, Liv Tyler, Mary Kay Place
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