Lost
in translation
de Sofia
Coppola
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Ce film est un bon film. Voilà, c’est tout, vous
passez à une autre chronique, ou même, tiens, aller le
vérifier vous-même.
Faut-il en déduire qu’il n’y a rien à en dire ?
Eh bien… oui en quelque sorte. Le thème est nettement
plus léger que celui de Virgin Suicides, le film
est exempt de message souterrain sur notre
monde-qui-va-mal (quoique…), et Sofia Coppola
évolue plus que jamais dans son monde de petite fille
riche furieusement hype. Son deuxième long-métrage
raconte l’histoire d’une rencontre, aussi brève
qu’intense, entre un homme et une femme dans un milieu
qui leur est étranger. Rien de plus banal en somme. Et
comme toujours en pareil cas, le film agit d’abord sur
votre affect avant de faire appel à une quelconque réflexion
ou une analyse poussée : on croit à cet
improbable couple, ou on n’y croit pas ; on est
touché par leur histoire, ou pas ; on est pris par
le film, ou pas. Et cela ne s’explique pas.
Lui (Bill Murray, impeccable, comme d’habitude)
est un acteur vaguement ringard démarqué au Japon pour
tourner une très lucrative pub pour un whisky. Elle (Scarlett
Johansson, aux ravissantes formes post-adolescentes,
et assurément l’une des grandes actrices de demain)
est l’épouse d’un photographe branché qui l’a
accompagné à Tokyo car elle n’avait rien d’autre
à faire. Tous les deux vont d’abord se perdre chacun
de leur côté, puis se trouver de façon miraculeuse au
milieu de cet hallucinant décor tokyoïte de néons,
pour enfin se retrouver chacun de leur côté à
nouveau, forts de ce petit-grand moment qu’ils auront
partagé.
Tokyo importe peu au fond, il aurait pu s’agir de
Moscou, Helsinki ou de n‘importe quelle ville dans
laquelle la langue et la culture forment une telle barrière
pour un américain qu’il se sentira immanquablement
prisonnier de lui-même. Car si au début du film les
deux protagonistes sont perdus au beau milieu de ce
Japon qu’ils n’arrivent pas à appréhender, ils
sont surtout perdus tout court, complètement paumés
dans leur existence : lui avoue n’avoir accepté
ce contrat que pour fuir sa femme et s’enfoncer un peu
plus dans sa « mid-life crisis » carabinée,
elle ne sait pas plus où elle en est dans son mariage
avec un époux ultra-booké et aux fréquentations
superficielles.
C’est là que tout le talent de la fifille à son Francis
Ford de papa se fait réellement sentir : elle
parvient constamment à éviter les clichés inhérents
à une telle situation, et à construire son film
patiemment, par petites touches biens à elle. On
retrouve ainsi, comme dans Virgin Suicides, la même
simple mais belle idée que les chansons nous aident à
communiquer, via une séance de karaoké jubilatoire
puis véritablement émouvante. (Petit aparté ici,
concernant une bo plus que parfaite : Air, Phoenix,
Jesus and Mary Chain, TV Eyes le nouveau
groupe de Jason Falkner, Death in Vegas
etc.)
Pas de love-story convenue donc, pas de happy end, ni de
fin tragique larmoyante, le ton est humble, minimaliste.
Le film retrace un moment qui n’appartient qu’à ces
2 protagonistes, le spectateur n’est jamais forcé de
rentrer dans leur histoire. Il se rapproche alors
beaucoup de ceux de Wes Anderson (Rushmore,
La Famille Tenembaum), ces comédies dépressives
suintant de joliesse et de mélancolie, s’avançant
vers le spectateur un timide sourire aux lèvres. Il
essaie et parvient la plupart du temps, à formuler
l’indicible et à capturer des moments de grâce. Ca
n’est pas rien.
Laurent
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