Maria, pleine de grâce de Joshua Marston
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La vie pas rêvée de Maria, jeune fille de dix-sept
ans, se partage entre un boulot sans intérêt chez un
horticulteur grossiste, une mère sévère et une sœur
profiteuse, un petit ami pleutre et lâche à
l’annonce de sa grossesse. En Colombie, à quelques
encablures de Bogota, la misère règne. Aussi après
avoir plaqué son patron qui refuse de lui accorder une
pause pour aller aux toilettes, après avoir encore donné
sa paie pour payer les médicaments de son neveu, Maria
a très envie d’autre chose. La rencontre avec un bel
hidalgo venu de Bogota qui lui propose de devenir
« mule » tombe à pic comme double moyen de
gagner rapidement beaucoup d’argent et de s’émanciper
de sa vie terne et confinée.
Etre
une « mule », cela consiste à passer de la
drogue (cocaïne et héroïne) entre Bogota et New York
par l’absorption de capsules façon gros suppositoires
à restituer après l’arrivée aux Etats-Unis. On
mesure rapidement les risques associés à une telle
pratique : de la difficulté à ingurgiter
plusieurs dizaines de ces capsules dont l’éclatement
provoque une mort instantanée à l’angoisse de passer
les postes frontières. Car les douaniers américains ne
sont pas dupes de ces étranges voyages de jeunes femmes
colombiennes sans argent et sans point de chute tangible
à l’arrivée. Malins, les trafiquants envoient
plusieurs « mules » à chaque passage :
l’arrestation d’une devant faciliter la sortie des
autres.
L’intensité dramatique qui accompagne la préparation
et le voyage constitue le meilleur du film. Le réalisateur
nous la rend palpable d’abord au moment où Maria déglutit
avec difficultés les capsules, ensuite durant le
transport aérien où les maux de ventre se superposent
à la peur croissante.
Arrêtée
à l’aéroport, comme ses autres comparses, Maria doit
son salut à son état, la loi interdisant de
radiographier une femme enceinte. Les passeuses relâchées
sont prises en charge par deux petits caïds plus
soucieux de récupérer la marchandise que de prendre
soin de la santé défaillante de l’une d’entre
elles.
La
seconde partie du film plus volontariste, faite de
rebondissements à travers New York est nettement moins
convaincante. On est décontenancés par la facilité de
ces deux filles à s’y retrouver dans cette grande
ville alors que jusqu’à présent elles n’ont jamais
quitté leur patelin. Le refuge chez la sœur de la
jeune femme décédée, lourdement imprégné de
culpabilité et du pardon final – ce que le titre
renforce à dessein - alourdit hélas un film dont le
sujet sociologique et humain méritait sans doute un
traitement moins romanesque.
Certes nul reproche à adresser quant à la mise en scène
efficace et au casting : la jeune Catalina
Sandeno Moreno imprime à son personnage la témérité,
la détermination puis la lucidité empreinte de rédemption
(la fameuse grâce) nécessaires. Les trafiquants
colombiens dans leur apparente bonhomie ne sont pas en
reste : le préparateur des capsules n’a aucun
regard pour Maria dans sa manipulation automatique et
adroite et l’organisateur lui décrit dans le menu les
conséquences d’une perforation ou d’une
dissimulation éventuelle de la drogue.
Il
n’en reste pas moins qu’à travers une fiction sobre
et glaçante Joshua Marston à l’instar
d’autres cinéastes utilise son art – ici un premier
métrage – comme dénonciation d’une pratique
scandaleuse. C’est pour cela qu’il donne à voir un
film nécessaire et salutaire. Néanmoins, nous
attendrons le second travail pour juger du talent de Marston.
Patrick
Braganti
Fim
Colombien – 1 h 41 – Sortie le 8 Décembre 2004
Avec
Catalina Sandino Moreno, Yenny Paolo Vega
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