cinéma

Master & Commander de Peter Weir   1/2

 
 

    Cinéaste peu subtil porté sur le film à message humaniste (pour faire court), Peter Weir a surtout démontré par le passé sa propension à la démagogie et au sentimentalisme via un Cercle des poètes disparus un peu écœurant, ou un Witness racoleur. Même doté d’un bon scénario (tout du moins intéressant) avec The Truman Show, il ne peut s’empêcher de verser dans la redondance et l’inutilement signifiant.

 

    La surprise est donc double : celle de le voir signer un bon film, mais aussi de s’accommoder avec une telle apparente aisance d’un gros budget et d’une logistique lourde.

 

    Dès les premières minutes, il apparaît évident qu’il ne s’agira pas d’un énième blockbuster testostéroné. Une photo grisâtre qui retranscrit à merveille une atmosphère maritime très peu touristique, un navire qui surgit dans la brume tel un fantôme : M&C sera une allégorie à la Moby Dick, l’histoire de 2 hommes aux prises avant tout avec leur démons personnels (l’ambition et la passion) plutôt qu’avec un navire de guerre français (l’histoire se déroule en 1805 durant les guerres napoléoniennes).

 

    La description du H.M.S. Surprise (le navire mené par un Russel Crowe charismatique) qui suit est absolument stupéfiante : pas la peine d’y mettre les pieds pour sentir l’odeur de poney des marins ayant quitté la terre ferme depuis trop longtemps. C’est la grande réussite du film que de s’attarder dans les premières minutes à la description de ce qui constituera le seul décor du film, afin de nous y plonger pour ne plus nous en faire sortir.

 

    L’histoire est simple : 2 navires jouent au chat et à la souris ; le film ne pourra s’achever qu’avec la défaite de l’un d’eux. Dans le même optique sans fioritures, le film renoue avec la notion de professionnalisme chère à l’âge d’or d’Hollywood : le médecin est avant tout un bon médecin, le capitaine un bon navigateur, les matelots de bons assistants, etc. Les hommes ne vivent que par et pour leur tâche, et rien ne saurait les en détourner : il est ainsi notable de constater que Weir a choisi comme seule escale terrestre du H.M.S. Surprise, et donc pour seul décor autre que celui du navire, la désolation des Iles Galápagos.

 

    Idem pour les scènes d’action : pas de démesure sublime à la Peter Jackson (de toutes façons, le cadre ne s’y prête pas, et les intentions ne sont pas les mêmes), et surtout, pas de surenchère pyrotechnique débile à la Michael Bay. Ici un boulet de canon ne fait pas de gros éclats bien réguliers qui s’envolent au ralenti, il traverse le navire de part en part, il envoie à terre les hommes comme des quilles, il fait mal, très mal. La mort et la douleur sont montrées sans fard, mais sans voyeurisme : voir la difficile mais paradoxalement belle scène de l’amputation.

 

    Master and Commander est donc ce film de marins qui nous venge des pitoyables L’île aux pirates et Pirates des caraïbes pour citer les exemples récents les plus notables. S’il n’est pas exempt de quelques défauts (le médecin qui s’opère lui-même, vraiment ??), il arrive même à éviter un happy-end un peu trop évident par une dernière pirouette habile. Surtout, il renoue avec panache avec ce que le cinéma hollywoodien peut avoir de meilleur lorsqu’il ne prend pas le spectateur pour un adolescent décérébré en plein déchaînement d’hormones : un film de divertissement populaire et intelligent, puissant et subtil, visuel et cérébral. En gros : une réussite.

 

Laurent