Mean
Creek de
Jacob Aaron Estes
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Dans une cour d’école, quelque part en Oregon,
George, garçon obèse emblématique d’une certaine
jeunesse américaine, tente vainement de mettre des
paniers dans un panneau de basket. Soudain, l’image
culbute. La caméra qui filmait (celle de George dont on
mesurera plus tard le rapport psychanalytique qu’il
entretient avec) vient d’être saisie par Sam, un
petit blondinet sur lequel George fond et tabasse
sauvagement. Le grand frère de Sam, Rocky, épaulé par
son pote Marty, décide de punir George en le conviant
à une ballade en barque sur une rivière voisine.
D’abord partis pour faire subir un gage humiliant au
tortionnaire, Sam et sa petite copine Millie décident
d’annuler le traquenard. Mais les conversations dérivent
soudain, George se retrouve à l’eau et se noie,
projetant les cinq gamins restants devant leur
responsabilité et les moyens de l’assumer ou non.
Décidément, l’adolescence en perdition et en manque
de repères n’en finit pas d’inspirer – plus ou
moins bien – les cinéastes d’outre-Atlantique. Dans
ce désir de vengeance savamment ourdi par quelques
gamins, on pense bien sûr à Bully de Larry
Clark, chantre incontesté des jeunes gens à fort
potentiel sexuel et (auto)destructeur. Aaron Estes
ne semble pas manifester la même fascination pour ses
jeunes héros, d’ailleurs moins chargés en pouvoir de
séduction, à l’exception notoire de Scott
Mechlowicz (Marty) bien parti pour devenir une
future bombe. Il propose aussi une vision moins
pessimiste de ces adolescents qu’il présente moins
vides et inconsistants que d’autres cinéastes.
En
plus, George cherche bien ce qui lui arrive, car, non
content de se montrer violent et supérieur, il abreuve
ses copains d’injures gratinées, réveillant leur colère
endormie et provoquant le drame. Faut-il voir dans ce
garçon complexé et mal dans sa peau une image actuelle
de l’Amérique, ce qui au passage donnerait une autre
dimension au film ? La question peut se poser légitimement :
en effet, George obsédé de sécurité (alcool au
volant et absence de gilets de sécurité) refuse toutes
les différences religieuses ou sexuelles, érigeant son
propre cocon protecteur à l’abri de l’autre.
Après l’accident, les gamins, d’abord prostrés
dans le silence et séparés physiquement, ont de suite
conscience de leur acte, ce qui ne les cantonne pas dans
l’irresponsabilité habituelle. Même si au début ils
choisissent de dissimuler leur forfait, très vite ils
passeront aux aveux. C’est d’ailleurs la limite du
film car une fois l’accident provoqué, le réalisateur
donne l’impression de ne plus trop savoir vers quoi se
diriger et propose en conséquence une sempiternelle
version de culpabilité et de regrets.
Ce
qui semble par contre plus abouti est le filmage,
surtout l’opposition entre la rivière symbole de la
nature et du calme et l’agitation croissante et
agressive sur la barque. Le bruit et les cris émis par
les adolescents contrastent singulièrement avec le
silence de l’environnement seulement troublé par le
clapotis de l’eau.
Le
choix et le jeu des jeunes acteurs pas forcément formatés
et plutôt éclectiques contribuent pas mal au plaisir
à regarder ce premier film où au final il ne se passe
pas grand-chose, intéressant, même si inabouti et
connaissant parfois des ruptures de rythme. Mais comme
nous sommes encore bien loin des horribles bluettes pour
et sur des teen-agers boutonneux et formatés, Main
Creek mérite d’être découvert.
Patrick
Braganti
Américain
– 1 h 29 – Sortie le 29 Septembre 2004
Avec
Rory Culkin, Trevor Morgan, Ryan Kelley, Scott
Mechlowicz
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