cinéma

Pas de repos pour les braves de Alain Guiraudie 

 
 

    Un café sur la place d’un village de province, des piliers probablement un peu imbibés, deux jeunes qui discutent. C’est surtout Basile qui parle en fait. Il raconte à son ami qu’il a fait un rêve ayant trait à une légende disant que s’il s’endort encore une fois, il ne se réveillera plus jamais. En face de lui, Igor est un peu hagard, beaucoup dubitatif. Son incompréhension de la situation entraîne le départ de Basile, et le début (?) d’une série d’évènements (?) poético-drôlatiques sans fin (?).

 

    Beaucoup de points d’interrogations donc pour ce premier long-métrage du cinéaste le plus déjanté du Sud-Ouest (et d’ailleurs), et peu de réponses. Ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose, mais quand le bazar le plus désorganisé se substitue au mystère, le spectateur paye régulièrement les pots cassés.

 

    La première demi-heure est pourtant formidable. Passé le prologue narré en début d’article, Guiraudie excelle à mettre en place son petit univers de franc-tireur halluciné : dialogues à la fois prosaïques et loufoques, humour très décalé (on songe parfois au génial Edouard Baer et à ses impros surréalistes), acteurs à l’amateurisme réjouissant, fétichisme cocasse (la Fuego rouge, la CX orange), recyclage de genres (le western surtout, cf le titre, le personnage de Johnny Got), son cinéma ne ressemble à aucun autre. Surtout, il parvient à être crédible dans son incarnation de « réalisateur provincial » un peu trash, sans pour autant donner dans le régionalisme forcené, ou le folklore pagnolesque pour citadin en mal de sensations roots.

 

    On comprend assez bien ses intentions : pour lui la Province est cet univers à la fois moribond et propice à toutes les folies, terrain de jeu permanent pour esprits libres et affranchis des contraintes du monde moderne. Si ces intentions et son discours sont absolument louables, voire irréprochables (illustrer le terroir sans jamais friser la démagogie), la forme n’emballe pas (encore) tout à fait.

 

    A force de jouer la carte du surréalisme à tout crin, de la fantaisie débridée, du marabout-bout de ficelle exponentiel, le film se perd dans les méandres de son intrigue, aussi lâche et accessoire fût-elle au départ. On a parfois le sentiment que la folie douce de Guiraudie sert finalement de prétexte au grand n’importe quoi dans lequel le film (et le spectateur) s’engouffre dans toute sa 2ème partie.

 

    C’est dommage car les bases étaient plus que prometteuses, et que le réalisateur tarnais pose un vrai regard neuf sur ses personnages, qui le situe à part dans le cinéma français. Espérons que ça n’est que partie remise.

 

Laurent