Printemps,
été, automne, hiver... et printemps
de
Ki Ki-duk
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Sur un scénario simplissime (un maître zen
et son disciple vivent au cœur d'un temple bouddhiste
en bois : au fil des saisons, leurs sentiments évoluent...),
le
cinéaste coréen Kim
Ki-duk
nous livre un petit bijou de poésie, mais pas que !
Sur la
logique bouddhiste (mais qu’on retrouve dans
d’autres religions), que chaque acte que nous
commettons a des répercussions infinies (et donc
souvent aussi un effet « boomerang » qui
nous renvoie au passé et mélange ainsi les temporalités…),
il nous présente une histoire beaucoup plus mystérieuse
que l’académisme un peu trop esthétisant des images
pourrait laisser penser.
La
force et la beauté des saisons (et des âges) qui
passent ainsi, rythme une histoire qui ne semble avoir
pourtant ni début ni fin. Ainsi, à
la leçon du maître à l'enfant-disciple (saison de
printemps), où, pour lui faire comprendre la cruauté
gratuite d’un geste envers trois animaux, le maître
le met dans la position de vivre la même chose, et donc
de ressentir les choses par lui-même - vient en écho
la fin du film (printemps à nouveau), où on constate
que deux de ces animaux ont ressuscité ! Et quand le
disciple-jeune adulte commettra l’irréparable (parce
qu’il y a dans la vie des
événements intrinsèques qui détrompent ainsi
l’homme dans ses présomptions de savoir et de maîtrise…),
il
portera cet acte en lui tant qu’il n’en aura pas
accepté toutes les conséquences. L’expiation par la
souffrance physique qu’il réclamera un temps à son
maître ne suffira pas à l’apaisement. Mais
heureusement, tout n'est qu'un éternel recommencement !
Et il lui sera donné par un autre biais de régler ses
comptes avec sa conscience. L’éternité
peut alors s’inscrire dans le mouvant de l’événement,
l’invisible devenir visible, l’intangible être éprouvé,
y compris physiquement. Et le nouveau printemps voir
alors ressurgir la puissante pulsation de la vie…
Très
beau chemin initiatique donc que ce film, où les cycles
répondent à d’autres cycles, où les paysages font résonance
aux sentiments (à l’été
l’échauffement des sens et de la passion, à
l’hiver la rigueur spartiate des corps, et
l’apprentissage de la sérénité…), et où
les saisons ont parfois un parfum d’éternité !
Au
niveau du traitement filmique, les images sont ciselées, avec des superbes plans et des paysages
minimalistes où tout semble effleuré et, du coup, le
moindre sentiment porté en exergue, comme un diamant
dans un écrin. Et dans ce temple bouddhiste en bois, le
temps semble tout à la fois vibrant et suspendu. Et même
s’il ne passe apparemment pas grand-chose, pourtant…
C’est comme si l’austérité et la beauté de ces
paysages permettaient de voir l’invisible, de mieux
percevoir et d’éprouver ce qui est de l’ordre du
sous-jacent.
Bref,
un film qui demande sûrement au spectateur de rentrer
dans un autre rythme, mais qui se laisse découvrir et
apprécier au fil de l’eau et des saisons qui passent,
et qui donne finalement à ressentir beaucoup de choses
dans l’infra-verbal.
Cathie
Coré
du sud – 1h43 – sortie le 14 avril 2004
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