Kourtrajmé
passe enfin à l’action ! Le collectif de
court-métrage le plus médiatique de France fait
sa première apparition dans le domaine du long métrage.
Pour ceux qui n’ont pas été ces derniers temps
dans les parages, le Kourtrajmé est une
bande de jeunes issues de la culture « hip-hop et
banlieue » qui réalise des courts (comme son nom
l’indique) et qui affirme avoir galéré avant
de s’imposer. Etrange quand on sait que leurs
membres fondateurs sont Kim Chapiron, fils
de Kiki Chapiron, et Romain Gavras,
fils de Costa-Gavras et que leurs proches
sont des célébrités tels que Mathieu
Kassovitz ou Vincent Cassel…Un
possible trou de mémoire, sans doute.... Mais,
ceci ne change rien. Enfin, depuis fort longtemps,
sort un film français réalisé par un jeune
homme âgé de 25 ans Kim Chapiron.
Sheitan
est, donc, le premier long de Kourtrajmé.
Il consiste en un mélange horreur/humour. Shapiron
s’attaque à un genre codé et pour le moins
difficile dans lequel Sam Raimi a acquis
ses lettres de noblesse. Mais n’est pas Raimi
qui veut.
L’histoire
est d’une simplicité enfantine. Une bande de
potes passe la soirée en boîte de nuit à boire
et à draguer. Une soirée normale en quelque
sorte, jusqu’à ce que l’un d’eux se fasse
virer de la boîte à coup de bouteille de bière
sur la tête et perturbe la fête. Tous se
retrouvent sur le trottoir. Pour continuer la soirée
et profiter des opportunités ouvertes, Eve (Roxanne
Mesquida), jeune allumeuse pas très farouche,
propose à tout ce petit monde de finir le
week-end chez elle, à la campagne. C’est à ce
moment précis que le film se métamorphose. Il
passe d’une simple comédie de jeunes à un délire
de mauvais goût digne d’une série Z. L’arrivée
dans les prés, c’est l’entrée dans la quatrième
dimension. La campagne devient l’étrange par
excellence incarné par le gardien Joseph (Vincent
Cassel), personnage stéréotypé au possible
entouré d’une bande d’attardés, que dis-je
de campagnards…Et oui, chez Shapiron, les
campagnards sont tous laids, vicieux avec des idées
diaboliques et s’opposent à la norme, la bande
des acteurs de Kourtrajmé. Peut-être Shapiron
a-t-il voulu créer une parabole politique entre
la France immigrée et celle rurale parfois réactionnaire,
comme sait le faire Romero. Mais n’est
pas Romero qui veut.
Shapiron
dit vouloir révolutionner le cinéma français en
choquant. Certes, le film est interdit au moins de
16 ans et l’affiche avec un Vincent Cassel
au sourire sadique nous rappelle les bons vieux
films d’horreur, Freddy en particulier.
Mais, ce n’est pas par la violence que Shapiron
choque, c’est par son amateurisme. En dehors du
récit brouillon et abandonnant très vite son
ambition, des campagnards monstres de foire et des
femmes objets sexuels, le plus dur à accepter
c’est la réalisation. Le jeune cinéaste met en
scène un film bâtard hésitant entre les expérimentations
de leurs courts (montage nerveux, caméra agité
et tremblante, cadrage bancal) et une recherche
plus ambitieuse inspirée parfois du travail de la
Nouvelle Vague comme par exemple avec le jeu des
acteurs naturels, peut-être trop, ici. Ainsi, les
choix artistiques du « réalisateur »
transforment involontairement l’horreur en une
comédie, et on pense plus à un film des Charlots
qu’à une œuvre de Romero ou de Raimi.
Mais n’est pas les Charlots qui veut. Sheitan
se ridiculise complètement par son écriture. Les
dialogues se limitent à des « Vas-y » à la
pelle et des « Nique ta mère » mal placés.
Seul point positif au tableau, Vincent Cassel dans
ce rôle de campagnard psychopathe permet au film
d’être regardable. Un professionnel perdu au
milieu d’amateurs.
Sheitan
n’est, en fait, rien d’autre qu’un film de
potes comme on a tous voulu en réaliser dans des
soirées de beuveries. Hélas, pour le cinéma
français il semble que le renouveau artistique
est encore à attendre.
Gabriel
Scialom
Film
français – 1h35 – Sortie le 1er février 2006
Avec Vincent Cassel, Olivier Barthelemy, Roxane Mesquida
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