cinéma

Sisters in Law de Kim Longinotto et Florence Ayisi

[4.0]

 

 

“Qui aurait dit que les deux premières condamnations pour violences conjugales dans notre pays seraient gagnées par deux femmes musulmanes ?”.

C’est par cette phrase claire et libératrice que s’achèvent les 100 minutes de Sisters in Law, film canon (voyez le générique de début et plus exactement celui de Film Four, producteur du film) sur le sacerdoce de deux procureurs d’une petite ville du Cameroun, bien décidées à faire évoluer les mentalités sur les violences physiques faites au femme, fille ou enfant, autrement dit, dans le cas présent, de sanctionner et coffrer les criminels.

 

Vera Ngassa, conseillère d’Etat et Béatrice Ntuba, la présidente de la cour ne s’en laissent pas compter et après quelques minutes d’immersion dans leurs bureaux respectifs, on craint de suivre le parcours de deux passionnaria de la justice, aussi inflexibles qu’un procureur de film à thèse américain ou de téléfilm français.

 

Inflexibles, elle le sont. Mais au delà de la litanie des sévices, des témoignages accablants et des procès, le portrait des deux justicières s’effectue presque “en creux”, la qualité du film de Kim Longinotto et Florence Ayisi étant de ne jamais perdre de vue le cœur du sujet : le processus insensé qui amène à considérer son épouse comme sa chose ou -pour une tante perturbée- à prendre le dos de sa nièce de 6 ans pour une cible de foire foraine.

 

Face aux témoignages des victimes, nous sommes saisis, cherchant parfois -syndrôme Outreau oblige- à démêler le vrai du faux possible.

Face aux défenses et parfois jérémiades des accusé(e)s, on est davantage sujet à l’identification (!). Les dénégations, les remords, les prières, et surtout l’attente de la sanction, tout cela fait de longues secondes où la vérité passe par les pores de la peau.

A l’annonce des verdicts -tous sévères- la demande de pitié s’adresse tout autant à Dieu qu’au tribunal des hommes.

La réussite de Sisters in Law vient de l’équilibre entre la non-dramatisation (le film est même, d’une certaine façon, bonhomme) et la dimension implacable de ce qui se joue, en l’occurrence des vies entières.

 

Les séquences montrant comment la réconciliation pourra s’opérer, au sein des familles ou dans l’œil du regard public, agissent comme des baumes tout à fait crédibles. Par sa méthode, et sa simplicité, le film est une caisse d’enregistrement, une plongée dans le réel que rien ne vient troubler, ni les petites saynètes du quotidien, ni la fascination que peut exercer sur nous la “frappe” de la justice.

 

Pierre Gaffié

 

Documentaire britannique - 1h44 - sortie le 08 Mars 2006

Avec Vera Ngassa, Béatrice Ntuba

 

 

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