“Qui aurait dit que les deux premières
condamnations pour violences conjugales dans notre
pays seraient gagnées par deux femmes musulmanes
?”.
C’est par cette phrase claire et libératrice
que s’achèvent les 100 minutes de Sisters in
Law, film canon (voyez le générique de début et
plus exactement celui de Film Four, producteur du
film) sur le sacerdoce de deux procureurs d’une
petite ville du Cameroun, bien décidées à faire
évoluer les mentalités sur les violences
physiques faites au femme, fille ou enfant,
autrement dit, dans le cas présent, de
sanctionner et coffrer les criminels.
Vera Ngassa, conseillère d’Etat et Béatrice
Ntuba, la présidente de la cour ne s’en
laissent pas compter et après quelques minutes
d’immersion dans leurs bureaux respectifs, on
craint de suivre le parcours de deux passionnaria
de la justice, aussi inflexibles qu’un procureur
de film à thèse américain ou de téléfilm français.
Inflexibles, elle le sont. Mais au delà
de la litanie des sévices, des témoignages
accablants et des procès, le portrait des deux
justicières s’effectue presque “en creux”,
la qualité du film de Kim Longinotto et Florence
Ayisi étant de ne jamais perdre de vue le cœur
du sujet : le processus insensé qui amène à
considérer son épouse comme sa chose ou -pour
une tante perturbée- à prendre le dos de sa nièce
de 6 ans pour une cible de foire foraine.
Face aux témoignages des victimes, nous
sommes saisis, cherchant parfois -syndrôme
Outreau oblige- à démêler le vrai du faux
possible.
Face aux défenses et parfois jérémiades
des accusé(e)s, on est davantage sujet à
l’identification (!). Les dénégations, les
remords, les prières, et surtout l’attente de
la sanction, tout cela fait de longues secondes où
la vérité passe par les pores de la peau.
A l’annonce des verdicts -tous sévères-
la demande de pitié s’adresse tout autant à
Dieu qu’au tribunal des hommes.
La réussite de Sisters in Law vient de
l’équilibre entre la non-dramatisation (le film
est même, d’une certaine façon, bonhomme) et
la dimension implacable de ce qui se joue, en
l’occurrence des vies entières.
Les séquences montrant comment la réconciliation
pourra s’opérer, au sein des familles ou dans
l’œil du regard public, agissent comme des
baumes tout à fait crédibles. Par sa méthode,
et sa simplicité, le film est une caisse
d’enregistrement, une plongée dans le réel que
rien ne vient troubler, ni les petites saynètes
du quotidien, ni la fascination que peut exercer
sur nous la “frappe” de la justice.
Pierre Gaffié
Documentaire
britannique - 1h44 - sortie le 08 Mars 2006
Avec Vera Ngassa, Béatrice Ntuba
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