Il
arrive que des événements inattendus, comme peut
l’être un tragique accident de voiture, aient
des conséquences tout aussi imprévisibles,
permettant d’envisager d’autres possibilités,
de nouvelles ouvertures dont les répercussions à
leur tour prendront tout leur poids. C’est l’éternelle
théorie du hasard et son lot de faits et de
rencontres improbables qui est une nouvelle fois
convoquée dans Snow Cake, petit film
intimiste, concentré sur quelques personnages
forts en quête de vérité et d’harmonie.
Alex
Hugues, quinquagénaire britannique, taciturne et
solitaire, est en route pour Winnipeg afin de
tourner la page d’un passé douloureux. En
chemin, il prend en stop Vivienne, une exubérante
jeune fille, tenaillée par le démon de l’écriture
et attirée par les inconnus isolés chez qui elle
pressent un besoin de communiquer. Les rêves de
Vivienne prennent fin au moment exact où un énorme
camion percute la voiture de location d’Alex. En
état de choc, Alex décide de se rendre chez
Linda, la mère de Vivienne pour lui présenter
ses excuses et lui expliquer comment les choses se
sont passées, pour essayer aussi d’évacuer sa
culpabilité. Mais Linda n’est pas une mère
comme les autres : autiste, atteinte de
troubles obsessionnels très compulsifs, elle ne
semble pas manifester le moindre chagrin. Alex
s’installe quelques jours chez Linda pour préparer
l’enterrement de Vivienne et fait la
connaissance de Maggie, la voisine.
D’après
un scénario écrit par Angela Pell, également
écrivain et mère d’un jeune autiste, Snow
Cake prend place dans une petite bourgade
recouverte de neige, où tout se sait, des étranges
comportements de Linda à l’installation d’Alex,
des mœurs plutôt libres de Maggie aux inévitables
curieux : voisinage fouineur et flic
suspicieux. Si le personnage de Linda –
formidablement composé par Sigourney Weaver
qui n’est jamais dans la caricature ni l’excès
– ne change pas, celui d’Alex au contraire va
connaître une profonde mutation. Par un cruel
ricochet, la disparition de Vivienne entraîne son
retour à la vie, sa capacité à exorciser ses
propres fantômes et à confesser sa tragédie
personnelle en écho parfait de celle de Linda. Snow
Cake n’est cependant pas que la trajectoire
d’une rédemption annoncée. C’est aussi une
ode chaleureuse et humaine au respect et à la
différence et Snow Cake interroge ainsi
chaque spectateur sur sa perception de l’autre,
au sens premier de « pas comme moi ».
Les parents de Linda incarnent avec dignité le
tendre et protecteur regard porté sur leur fille
si particulière dont ils parviennent à (faire)
respecter l’étrange comportement : la
danse apparemment incongrue de Linda au retour des
funérailles de Vivienne n’est-elle pas après
tout la manifestation d’un immense désarroi et
la tentative d’une communion symbolique avec la
défunte ?
On
regrettera néanmoins que Snow Cake manque
parfois de subtilité et, craignant peut-être
l’ennui du spectateur, ait éprouvé le besoin
d’adjoindre l’histoire parallèle avec Maggie.
La sentimentalité excessive et quelque peu
invraisemblable qu’elle suggère, avec en point
d’orgue la scène au bord du lac nimbé d’un
très esthétisant coucher de soleil, laisse aussi
penser que la seule Linda ne puisse être le seul
déclencheur à la renaissance d’Alex. Cet éparpillement
narratif et distractif est le bémol majeur de Snow
Cake, dont on apprécie par ailleurs la
retenue pudique et l’humanité à fleur de peau.
Patrick
Braganti
Drame
britannique, canadien – 1 h 52 – Sortie le 31
Janvier 2007
Avec
Alan Rickman, Sigourney Weaver, Carrie-Anne Moss
Plus+
www.snowcake-lefilm.com
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