Twentynine
Palms de
Bruno Dumont
Road-movie border-line montrant la dérive et les
fissures d’un couple qui communique difficilement, et
essentiellement par le biais de la sexualité. Dans ces
jeux de pouvoir où les cartouches sont vite brûlées…
les deux personnages sont vite rattrapés par une
violence implacable qui les fait basculer dans
l’horreur.
Ce film de Bruno Dumont, quelque peu expérimental
(peu de dialogues, traitement minimaliste, acteurs peu
connus…), raconte une histoire où, apparemment, il ne
se passe rien, mais où l’impalpable et l’insondable
sont habilement rendus. Le réalisateur parvient à
mettre en évidence toutes les subtiles violences et
humiliations d’un quotidien de plus en plus dévastateur,
et donne ainsi à voir la lente désintégration d’un
couple.
Le propos de Dumont, après La vie de Jésus
et L’humanité, est de plus en plus pessimiste.
On voit dans ce film un homme et une femme qui semblent
à certains moments s’aimer, tandis qu' à d’autres,
on n’ en est pas sûr… Entre la névrose border line
de la femme et le besoin de satisfaction narcissique
voire machiste de l’homme; on se demande aussi par
instants si le couple n’est pas fondé sur une simple
logique de « on se fait du bien, point ».
Les scènes sexuelles, qui rythment le tempo du film,
sont d’ailleurs plus animales qu’érotiques ou
tendres et montrent les personnages dans leur côté le
plus instinctif... Malgré cela, peu d’empathie et de
communication entre eux. Et pourtant, il y a aussi des
moments de tendresse, très vite balayés par des
tensions plus violentes… Les fissures d’un couple
sont montrées ainsi dans leur effroyable banalité….
sans compter que le danger vient autant de l'intérieur
d’eux-mêmes que de l'extérieur...
Après, cela bascule dans la violence et l’horreur. On
sait qu’il suffit parfois d’un rien, d’un tout
petit rien pour que des détails remontent à la
surface. On le pressentait et le redoutait d’autant,
comme l’ordre d’un destin à l’issue forcément
tragique, en marche dès la première scène, pourtant
banale. En France, on avait déjà eu sur un tout autre
thème, mais pas si éloigné, « La cérémonie »
magnifique film de Claude Chabrol. Dumont sait
lui aussi très bien palper les petites violences et
humiliations du quotidien qui font exploser le reste…
Tout cela dans un traitement non cérébral, avant tout
instinctif, et c’est là toute sa force !
Cet ovni filmique, malgré des images d’une beauté
quelque peu surréaliste, risque de révolter certains.
Il ne laissera sûrement pas indifférents les
spectateurs qui sont ici effectivement plus malmenés
que séduits… Là est d’ailleurs toute
l’intelligence de Bruno Dumont qui choisit un
radicalisme sans concessions aucune, dans ses propos et
ne brosse pas les cinéphiles dans le sens du poil ! Par
le biais de sensations archaïques, on est ainsi
curieusement renvoyé à soi-même et sollicité dans ce
qu’il y a de plus dérangeant en soi… Tout
simplement bluffant !
Cathie
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