A
Buenos Aires en 1996, Pablo jeune poète non
encore publié écrit beaucoup : des poèmes
bien sûr, une ébauche de roman, mais aussi des
petites annonces : l’une pour donner des
cours de français, l’autre bien plus longue à
rédiger pour trouver un compagnon, un homme viril
et protecteur, qui pourrait partager « pensées,
lit et appartement ». L’existence
somme toute banale d’un jeune homme en quête
d’amour, homosexuel, mais aussi séropositif,
soutenu matériellement par sa famille et
cohabitant avec sa fantasque tante.
Fasciné
par les relations sadomasochistes et les univers
cuir, Pablo occupe son temps entre l’écriture,
les leçons de français à une seule élève, les
visites à l’hôpital et la fréquentation
d’un cinéma porno et d’un sex-club cuir où
il s’initie aux rapports maître-esclave.
Un
ano sin amor, sans réelle trame narrative,
est l’enchaînement sur une année d’instants
de la vie de Pablo, piéton infatigable et souvent
nocturne dans les rues de la capitale argentine.
La caméra le colle en permanence, souvent de très
prés, ou le filme placé au milieu du cadre face
à un docteur, une employée d’administration,
un éditeur ou son père, mais ne lève pas pour
autant le voile opaque qui l’enveloppe. Garçon
candide au doux regard dissimulé derrière ses
lunettes rectangulaires, Pablo mène sa vie en
solitaire sans se plaindre de sa situation de
malade. Bien au contraire, à sa façon, il est en
lutte sur un triple front de souffrances :
celle de l’inspiration devant son clavier
d’ordinateur, celle inhérente à sa maladie et
ses traitements, celle enfin qu’il choisit de
recevoir comme « le petit esclave »
d’hommes puissants, bardés de cuir.
Oscillant
entre le réalisme et le documentaire
introspectif, Un ano sin amor opte pour une
lumière saturée et une pellicule gonflée
rendant un gros grain. Le film travaille aussi sur
l’opposition entre la froideur des salles de
soins et des cabinets médicaux et la chaleur même
artificielle des bars obscurs et souterrains, sans
parler de la vie extérieure.
Adapté
d’un roman autobiographique – son auteur a
participé à l’élaboration du premier film de
cette jeune réalisatrice argentine -, Un ano
sin amor échappe aux stéréotypes de la
communauté gay dans lesquels son contexte très
orienté (hiv et pratiques SM) aurait pu
l’enfermer et n’est jamais malsain ni
voyeuriste.
Pablo,
qui ne demande de compte à personne, à la fois
fort et fragile, d’une sobriété exemplaire est
le parfait reflet du film dont il est
l’incarnation : une première œuvre
singulière emprise de pureté rédemptrice qui
n’est pas sans rappeler le cinéma de Pasolini.
C’est dire le talent de Anahi Berneri.
Patrick
Braganti
Drame
argentin – 1 h 35 – Sortie le 19 Avril 2006
Avec
Juan Minujin, Mimi Arduh, Monica Cabrera
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