En
Israël, les jeunes filles atteignant l’âge de
dix-huit ans doivent effectuer leur service
militaire. Dans un état en conflit permanent avec
la Palestine, en butte aux attentats sauvages et
imprévisibles, l’obligation du service
s’accompagnant du port de l’uniforme et
d’une restriction de la liberté de mouvements
n’est pas forcément une partie de plaisir pour
ces apprenties soldates. Ce que confirme d’emblée
la première scène du film : dans un
check-point où les femmes palestiniennes sont
contrôlées sans délicatesse par les jeunes
militaires, l’une d’entre elles se révolte,
semant une belle pagaille qui lui vaut de se
retrouver au trou pour quelques semaines.
Ecrit
par deux femmes travaillant à l’origine sur le
thème de l’amitié féminine, Une jeunesse
comme aucune autre se concentre sur le
parcours de Smadar et Irit, réunies pour former
un étrange duo chargé de patrouiller dans un périmètre
défini et de vérifier l’identité de toute
personne suspecte, autrement dit susceptible d’être
arabe et palestinien, pouvant dissimuler un
terroriste potentiel. C’est dire le climat
d’extrême paranoïa et de tension latente qui règne
sur Jérusalem. L’une, Smadar, est une fille indépendante
et grande gueule, qui vit seule avec un copain épisodique
qui la trouve quand même « à la masse »,
et qui fait preuve d’une franche mauvaise volonté
à exécuter sa mission. L’autre, Irit, est une
fille lisse et effacée, vivant encore chez ses
parents, obéissante et respectueuse des consignes
de ses supérieures. Smadar resquille à la
moindre occasion et traîne maussade ses rangers,
alors qu’Irit ne déroge à aucune règle. La
confrontation soudaine à la pire des réalités
du conflit va redéfinir leur relation et leur
appréciation mutuelle.
Par
médias interposés, on pense savoir beaucoup de
choses de cette absurde situation qui précipite
la région et ses habitants dans le chaos et la
panique perpétuels. Mais c’est sans doute la
première fois que le sujet est abordé par cet
angle surprenant. Des femmes remplissant leurs
obligations à l’armée, c’est peu courant et
quand elles ne sont pas cantonnées derrière un
bureau pour des tâches administratives, c’est
encore plus rare et donne un prix à leur regard
neuf et innocent.
Une
jeunesse comme aucune autre offre en effet
plusieurs niveaux de lecture. A travers la vie et
les préoccupations somme toute banales de ses
deux protagonistes, il réfléchit à comment
faire coexister les heures sous l’uniforme et
celles de la sphère privée. Mais, sur un plan
plus politique, il questionne également la
position des femmes au sein de la société israélienne.
Placées en périphérie comme mères, sœurs ou
épouses de combattants mâles et conquérants,
elles assistent en spectatrices consentantes, mais
pas dupes, à la perpétuation du conflit. Ainsi,
lorsque Smadar et Irit sont prises à parti dans
un bus par un vieil homme les accusant de négligence,
celui-ci passe outre l’uniforme militaire et les
agresse de son statut d’homme.
Le
premier film de Dalia Hager et Vidi Bilu
vient ainsi compléter la liste des films israéliens
que nous avons pu voir ces derniers mois comme Prendre
femme, Mon Trésor ou Tu marcheras
sur l’eau. Il a en commun avec les précédents
de mettre en relief les dysfonctionnements intimes
d’une société de plus en plus bloquée dans
ses mœurs et ses comportements qu’il doit aider
à mieux appréhender ses propres réalités
sociales et culturelles.
C’est
en cela que Une jeunesse comme aucune autre,
qui évite tout jugement et porte un regard
sensible et humaniste sur ses deux héroïnes, est
un film nécessaire, parfois proche du
documentaire, mêlant la grande histoire à la
petite, dans une réalisation nerveuse. Il délivre
aussi un message d’espoir qui fait naître
au-delà de l’horreur et de la folie ambiantes
la possibilité d’une belle amitié.
Patrick
Braganti
Drame
israélien – 1 h 30 – Sortie le 13 Décembre
2006
Avec
Smadar Sayar, Naama Schendar, Irit Suki
Site
du film : www.unejeunesse-lefilm.com
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