Aaltra
de Benoît
Delépine et Gustave Kervern
|
|
|
|
Ces humoristes, qui contribuent à la survie de
l’humour de Canal (historique) Plus, s’en défendent.
Pourtant, quand ils réalisent et jouent dans un film
dont le casting compte rien moins que Benoît
Poelvoorde, son compatriote Noël Gaudin, Pierre
Carles, Christophe Salengro, Jason Flemyng,
et Aki Kaurismaki en bouquet final, ça ne peut
être que très tentant. L’intelligence du procédé réside
dans l’utilisation parcimonieuse de ces grands noms.
Distribution compte-gouttes et promotion du même acabit
ne découragent pas les compères, pas plus qu’un
tournage façon “système D”, dont on sait qu’il
peut réserver les meilleures surprises. Car voilà ce
qu’est Aaltra, une très bonne surprise. Delépine
a tiré les leçons de son faible Mickael Kael contre
la World Company et la tentation de faire du Groland
sur grand écran n’a même jamais été évoquée par
les co-réalisateurs.
Les
deux personnages principaux pourraient pourtant figurer
dans les reportages de Vincent Marronier.
Voisins, les deux protagonistes vivent malgré tout dans
des mondes différents. Le premier (Benoît Delépine)
est un adepte du télé-travail, dont le côté pratique
échappe à son patron. Le second (Gustave K/vern)
est un agriculteur incompétent. Le premier ne supporte
pas ne serait-ce que la vue du tracteur du second, qui
lui devient fou quand son voisin sort sa moto-cross et
vient pétarader sur son terrain. Cette haine réciproque
provoque alors licenciement, bagarre et paralysie pour
les deux adversaires qui se trouvent ainsi liés par le
sort. C’est ici qu’apparaît le concept originel
d’Aaltra : le road-movie en fauteuil roulant,
depuis la France jusqu’en Finlande.
Compte
tenu du passif des réalisateurs, on n’en attendait
pas moins, mais le film est tordant. Encore une fois,
c’est un autre registre d’humour que celui de
l’univers grolandais, tout simplement parce que les
“acteurs” (pour la plupart de brillants amateurs)
n’ont pas de texte et doivent improviser. Leur seule
indication a été le contexte dans lequel se situe leur
scène. C’est donc le flot de superbes inanités,
entre deux grands silences, qui déclenche le rire, de même
que le comportement des protagonistes. Ils ont beau
partager le même sort dramatique, ils n’en deviennent
pas les meilleurs amis du monde pour autant. Ils
apprennent juste à s’apprécier. Et surtout, ils ne
sont pas pris dans une quelconque quête de rédemption.
Ils restent les bêtes et méchants qu’ils étaient
avant d’être invalides et survivent grâce aux plus
faibles et aux plus gentils qu’eux : vols de frites à
un enfant et d’un fauteuil électrique une grand-mère,
squat chez des Finlandais trop accueillants, ..., rien
ne les arrête.
On
est extrêmement tenté de faire la filiation entre Aaltra
et C’est arrivé près de chez vous. Les actes
surréalistes et décalés, pourtant profondément ancrés
dans la réalité, l’humour noir et cynique,
l’ambiance qui relève ainsi bien du “film
d’amis” que du projet indépendant et le noir et
blanc (le grain utilisé pour le film rend la pellicule
“vivante”) sont autant de points communs. La présence
furtive de Benoît Poelvoorde y fait évidemment
quelques chose, ainsi que la présence au générique de
collaborateurs d’autres films de la même gamme, dont Atomik
Circus, le retour de James Bataille. Il y a des
comparaisons moins flatteuses.
Sébastien
Raffaelli
Film
franco-belge - 1 h 33 - Sortie le 13 octobre 2004
Avec
Benoît Delépine, Gustave K/vern, Jan Bucquoy…
>
Réagir
sur le forum cinéma
|