All
or Nothing de
Mike Leigh
En attendant le nouveau Ken LOACH
prévu dans quelques jours, j’ai vu en Novembre un
nouvel opus de l’autre réalisateur anglais social :
Mike LEIGH.
Dans les faubourgs londoniens,
vit une famille de 4 personnes : le père chauffeur
de taxi employé chez un patron revêche, la mère
caissière dans un supermarché, la fille aînée aide ménagère
dans un hospice de vieillards et le fils chômeur et obèse.
La routine, les difficultés de
tout ordre ont complètement eu raison de l’amour que
pouvaient éprouver ces gens les uns pour les autres.
Effectivement, le film démarre en plein marasme sentimental :
les cris et les disputes se multiplient autour de la
table familiale.
Comme souvent chez Mike LEIGH,
le trait est appuyé, voire caricatural surtout ici
lorsqu’on déborde les frontières de cette simple
cellule familiale pour rencontrer des seconds rôles
tous plus pathétiques et affligeants les uns que les
autres ; la palme revenant sans conteste à ce garçon
macho qui frappe et qui plaque la pauvre fille qui vient
de lui annoncer qu’elle était enceinte de ses œuvres.
Donc, pendant les deux premiers
tiers du film, l’ambiance est pesante, noire. Le
rythme est aussi très lent sans beaucoup d’actions.
Puis le drame survient par
l’accident cardiaque du fils qui se retrouve
hospitalisé avec autour de lui les trois membres de sa
famille pour qui cet événement va servir de révélateur,
de déclencheur d’émotions et de sentiments trop
longtemps contenus.
Le film bascule alors dans l’émotion
vraie à fleur de peau, durant cet échange entre le père
et la mère, pendant lequel le premier fait part à la
seconde de son sentiment de ne plus être aimé, au
contraire bafoué, rejeté, ce qui anéantit chez lui
toute volonté pour tenter d’améliorer la situation
de sa famille.
Nous quitterons ces quatre
personnes autour du lit du fils, ayant entrevu une lueur
d’espoir, la possibilité d’un dialogue, d’un
recommencement éventuel.
Si cette histoire finit autant
par toucher, c’est d’abord parce qu’elle est
servie par des acteurs magnifiques, au premier rang
desquels il faut placer le père Timothy SPALL,
acteur fétiche de Mike LEIGH. Il faut avoir vu
le regard implorant, l’expression des yeux de cet
acteur pour en mesurer le talent immense, qui, il me
semble, aurait pu lui aussi se voir récompenser d’un
prix d’interprétation à Cannes.
Le personnage de la fille Rachel
est aussi très intéressant, parce que subtil et tout
en nuances : très effacée, elle est
l’observatrice, celle qui ressent et qui souffre de
ces situations conflictuelles, où elle se bat seule.
Je persiste à penser qu’il
nous manque en France un vrai cinéma social, comme le réussissent
si bien les Anglais, sans jamais tomber dans la mièvrerie
ou la facilité, mais en donnant aux personnages une
vraie épaisseur qui leur rend à coup sûr une certaine
dignité.
Mike LEIGH
tient la gageure de faire un film lumineux, parfois
touché par la grâce à partir d’un sujet très
casse-gueule, à la limite de la caricature à certains
moments et c’est en quoi c’est un des grands films
de cette fin d’année.
Patrick
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