Ozon
est un cinéaste moderne, ses films des
constructions mentales tournant en autarcie dans
leur propre univers, clos, estampillé cinéma
grand (et moins grand) public. A cet égard, le
sujet Angel fait un savant dosage : Douglas
Sirk (déjà entraperçu dans 8 Femmes)
mais Orson Welles (Rosebud, épicerie,
Paradise, maison, escaliers), Minnelli
(kitsch attitude) but Gone With the Wind.
Difficile au final de mesurer le degré de création
singulière tant elle se noie dans cette nasse de
références, plans copiés ou travestis,
melting-pot à la crème fouettée qui envahit
l’écran. Ozon n’a pas de style
propre, sinon le mimétisme bout-à-bout de sa
culture cinéphile. C’est d’ailleurs en cela,
par son désir de faire du cinéma un travail en
boucle sur lui-même, que s’exprime sa modernité.
Mieux
: Angel est une œuvre résolument
contemporaine, en phase avec tout un pan de la création
artistique de son temps, qui, du geste formel répétitif
fait un sujet en soi. Mais, si Ozon fait
mine d’enterrer sous les couches superposées
d’un make-up sirupeux (le côté nouveau
riche d’Angelica éclabousse l’écran d’une
vanité arriviste à écœurer sa cousine d’Amérique
(disons : Scarlett O’Hara)) le questionnement
(plus ou moins) métaphysique blotti au fond de
ses référents, ce n’est qu’une illusion. Car
ce cinéma mâché, digéré, et assumé comme
tel, s’enroule autour d’un cœur nucléaire,
protégé mais qui s’ouvre sur une hypothèse de
travail où le rêve se concrétiserait comme la négation
d’une plombante réalité. Ce qui compte, chez
Angelica, ce n’est pas tant la trajectoire (éclat
puis chute) mais, en parfaite coïncidence avec la
démarche osée d’Ozon, sa facilité sidérante
à accéder au rêve : écriture, publication,
fortune, amour - du jour au lendemain et parce
que c’est comme ça.
Double
niveau de lecture donc : l’histoire brute
d’Angelica, façon mélodrame hollywoodien au
coin du feu, et sa mise à distance soulignée par
une accumulation d’effets porteurs de sens,
d’une symbolique presque militante (arc-en-ciel,
tentures rouges, pluie de neige). L’ironie
distanciée à cheval sur un cynisme méprisant
est la marque de l’époque : faisons crédit
à Ozon de ne pas s’y laisser prendre et
de dire qu’on peut, oui, s’étourdir de tout,
d’un plan ridicule comme de sentiments pastel,
d’une enfilade de clichés comme des amours
mortes, d’une symphonie sucrée comme d’un
Londres en toc. Du cinéma huis clos pour cinéphiles
et pleureuses : joyeux mélange des genres
que vomit une certaine critique ;
incontestable satisfaction pour le cœur et
l’esprit.
Christophe
Malléjac
Film
français, belge, britannique (2006) – 2 H 14
– Sortie le 14 mars 2007
Avec
Romola Garai, Lucy Russell, Sam Neill...
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