cinéma

Anna M. de Michel Spinosa

[3.0]

 

 

Le plus difficile avec Anna M. consiste à se faire une idée précise sur ce que l’on en pense. Non pas du film, globalement moyen, mais sur cette étrange jeune fille qui va nous faire passer par une succession d’impressions qui vont de la franche irritation à une profonde compassion mâtinée de pitié. La versatilité du spectateur pouvant être vue comme un écho empathique à celle des ressentiments de la dénommée Anna M. qui en parfaite érotomane – personne atteinte de l’illusion délirante d’être aimée par quelqu’un – connaît à son tour les étapes qui en jalonnent la progression : illumination, espoir, dépit et haine.

 

Il ne faut pas longtemps au spectateur avisé pour comprendre que quelque chose ne tourne pas vraiment rond chez Anna M. Elle a tout de la vieille fille, poussiéreuse et sentant le renfermé. Restauratrice de livres anciens dans une bibliothèque hors du temps, elle vit chez sa mère qui ne semble guère aller mieux. Plus aucun doute ne subsiste sur son état mental lorsqu’au cours d’une balade vespérale avec son chien, elle se jette sous une voiture dans une tentative de suicide qui restera inexpliquée.

C’est le docteur Zanevsky chargé de la soigner qui cristallise soudain l’intérêt de la jeune femme qui se persuade avec l’énergie du désespoir et de la passion morbide que celui-ci est tombé amoureux d’elle. Après quelques manœuvres d’approche, Anna M. devient persécutrice et transforme la vie du médecin et de sa famille en enfer.

 

A partir d’une pathologie paraît-il fréquente, notamment chez la gent féminine, Michel Spinosa opte pour un thriller intimiste, un film fantastique, et non l’exposition froide et explicative d’un cas médical. Il est vrai que l’énergie folle et manipulatrice manifestée par Anna M. aux ressources inépuisables dès qu’il s’agit de traquer le docteur Zanevsky est le terreau idéal au déploiement de situations chocs qui atteignent leur paroxysme quand elle s’impose comme baby-sitter chez le voisin du dessus du médecin. Dès lors, c’est l’escalade assurée dans le délire qui conduit Anna M. tout droit à l’asile avant une rédemption mystique assez improbable, comme si le cinéaste n’avait su quelle issue trouver à la dérive de son héroïne.

 

De Anna M. on risque fort de ne garder qu’en mémoire l’interprétation virtuose d’Isabelle Carré, effectivement géniale et habitée, à mille lieues de son rayonnement habituel. Dans sa composition, on est stupéfiés par l’impossibilité à lui donner un âge et l’expression de son regard complètement nouvelle.

Malgré sa belle facture indéniable (photo magnifique et cadrages aux petits oignons), Anna M. ne parvient pas à nous faire oublier son côté exercice de style et performance d’actrice. Mais il sait néanmoins jouer avec nos nerfs mis à rude épreuve et nous faire éprouver une belle palette de sensations, prouvant ainsi que l’effroi peut trouver ses racines sans effets spéciaux ni effusion d’hémoglobine.

 

Patrick Braganti

 

Drame français – 1 h 46 – Sortie le 11 Avril 2007

Avec Isabelle Carré, Gilbert Melki, Anne Consigny