Anthony
Zimmer
de Jérôme
Salle
[3.0]
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On peut imaginer que Jérôme
Salle préfigure une nouvelle vague de cinéastes
français, dont Christophe Gans serait le grand frère et qui, à l’instar de ses
aînés des sixties (Truffaut,
Rivette ou Godard), axerait son travail sur un système de références, non
plus littéraires mais héritées d’une culture
cinéphile / ciné-fan.
Anthony Zimmer, comme Le pacte des loups avant lui, se raccroche en effet directement au
cinéma de genre hollywoodien et –si l’on excepte le
détour toujours possible (quoique très hypothétique
dans son cas) par Melville- résolument à l’écart de l’auteurisme à la française. Tout un réseau de citations (Hitchcock
bien en évidence sur la commode), reprises et thèmes
ancrent ce polar nouveau genre dans le cinéma
mondialisé (dernier cri) des grand studios. Et pour
mieux signer son rejet de la France - exception
culturelle, Salle
coupe les ponts avec sa réalité géographique : Anthony
Zimmer baigne dans l’uniformisation du monde tel
qu’il se pratique entre palaces et villas sur la
côte : grosses berlines à vitres noires, suites
luxueuses, villas High-tech, technologie de pointe.
Coupez le son : un profane serait incapable –à
quelques rares exceptions près, le T.G.V. par exemple-
d’identifier son pays d’origine (le titre du film
–nom d’un des personnages- participe lui aussi de
cette attitude-là). Voilà le champ d’action de cette
nouvelle vague : hors le monde réel, placer le
cinéma dans son propre univers ultra référencé.
Faut-il s’en émouvoir
ou, au contraire, s’en féliciter ? Ni l’un, ni
l’autre sans doute. Car ne plus apercevoir à chaque
carrefour le képi d’un gendarme en faction devant sa
4L modernise à coup sûr l’imagerie frenchy,
ce qui est plutôt une bonne nouvelle dans la
perspective d’un cinéma chic un peu toc qui ne joue
précisément que sur l’imagerie, la façade, au
détriment de la profondeur (des êtres et des
évènements). C’est donc bien à cette aune-là, dans
la proximité de ses frères d’armes (La
mort dans la peau par exemple), qu’il faut estimer
le travail de Jérôme
Salle.
Or,
à cet égard, le bon alterne le très moyen, voire le
franchement mauvais. La terrible mauvaise (bonne) idée,
c’est d’avoir convoqué l’ombre célèbre et
écrasante de Sir Alfred qui, dès le tout premier plan
(pompé sans vergogne à Marnie) vient peser de tout son poids (écrasant) sur la fragile
densité d’un film qui n’en demandait pas tant. A
quoi bon en effet citer Marnie,
donc, ou reprendre l’ossature générale de La
mort aux trousses (les deux références les plus
explicites) –le tout sous les accords revival
d’un score hermanien lui aussi bien en deçà (mais
c’était joué d’avance) de son modèle d’origine-
si l’on n’y puise pas la matière au développement
d’une réflexion singulière ? L’aspect, le
vernis, mais rien des affects et de l’intelligence à
la fois métronométrique et critique, bref de tout ce
qui rend le cinéma d’Hitchcock si profond et durable.
Si l’on doit se
contenter de juger la qualité de ce film par rapport à
celle de ses frères yankees
(catégorie Thriller de prestige), donc, deux choses : 1- Sur le strict
plan de l’action
movie, Salle
ne possède pas la maîtrise efficace mais très
facilement stéréotypée d’Hollywood. 2- C’est
aussi une qualité, et l’on peut lui faire ce
crédit-là, celui de ne pas enfiler à la chaîne
scènes d’actions et gunfights
mais de faire preuve, au contraire, d’une fort
appréciable discrétion. Cette même discrétion qui
permet –pourquoi pas- de lire Anthony Zimmer comme une réflexion sur l’attente et le vide,
comme une réponse en somme à cette interrogation
hitchcockienne mise en évidence (au sujet de La
mort aux trousses) par Jean
Douchet : « Hitchcock
joue de sa propre angoisse : comment animer la
surface vierge de l’écran ? La scène la plus
spectaculaire à cet égard sera celle de l’avion en
rase campagne. Un temps désespérément creux et un
espace étrangement désert attendent que notre angoisse
face au vide les remplisse et les comble ».
Seul problème ici : on a souvent la sensation que
le décollage toujours repoussé du film tient plus à
un scénario squelettique voire –plus grave- à un
rythme déficient qu’à une réelle volonté.
Reconnaissons malgré tout
une vertu à ce cinéma, celle de nous divertir et nous
faire rêver dans les reflets turquoises de la
méditerranée (plus en forme que jamais), le luxe des
suites de palaces ou l’arrière-pays verdoyant.
L’ennui ne pointe jamais, et c’est plutôt bon
signe. Jérôme
Salle éprouve un évident plaisir à filmer, les
mouvements de caméra sont fluides, le cadrage net, la
photographie brillante. On peut simplement regretter que
cette louable volonté de divertir –qu’Hitchcock
possédait aussi- ne soit pas le côté face d’une œuvre
autrement plus riche. Un catalogue de mode animé, un
soupçon d’intrigue et le tour est joué. Pas de
projet démesurée, donc, juste celui de vendre sur la
planète Terre un produit passe-partout. Si l’ambition
de cette nouvelle vague de situe-là, mission accomplie.
Christophe
Malléjac
Film
français – 1h30 – sortie le 27 avril 2005
Avec
Sophie Marceau, Yvan Attal, Sami Frey...
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