A
perfect day fait partie des films que l’on
voudrait aimer et dont on quitte la projection déçus
et accablés par un tel ratage, celui qui consiste
à ne pas traiter un sujet et à enfiler jusqu’à
plus soif des scènes identiques répondant aux mêmes
dispositifs de filmage, qui au final ne proposent
rien de nouveau sur la captation d’une ville en
mouvement. Phénomène pour le moins paradoxal
quand on sait que le film est le fruit de la
collaboration entre deux artistes, cinéastes et
plasticiens, travaillés par les modalités de la
représentation urbaine.
La
ville dont il est ici question, c’est Beyrouth,
capitale métissée et marquée par les stigmates
de la guerre civile qui la ravagea de 1975 à
1990. Durant l’interminable conflit, 17 000
personnes ont disparu, enlevées ou assassinées,
sans que leurs corps aient jamais été retrouvés,
plaçant les familles dans la douloureuse position
du deuil impossible et de la décision à déclarer
le disparu mort. La disparition ne s’exténuant
pas, il reste pour les survivants un gouffre qui
ouvre le champ des possibles.
C’est
cette journée particulière, ce passage entre
l’état d’attente éternelle et
l’acceptation plus ou moins consentie de la
situation que met en images A perfect day
autour de deux personnages : Claudia la mère
et Malek le fils. Deux êtres minés par
l’absence prolongée d’un père, dont quelques
photos et coupures de presse révèlent l’aura
et le statut. Alors que Claudia guette le moindre
bruit et vit de manière prostrée dans l'espoir
d’un hypothétique retour, Malek, chef de
chantier, souffrant d’apnée du sommeil,
s’endort à la moindre occasion comme échappatoire
à la monotonie de sa vie régie par sa mère
inquisitrice et angoissée, bringuebalée par une
petite amie frivole et inconstante.
Passée
la mise en place des personnages et de leur
environnement, A perfect day s’essouffle
jusqu’au piétinement total, ne donnant plus
rien à voir, encombré de son histoire dont il ne
parvient plus à tirer le moindre développement.
Aucun traitement en profondeur ne nous est offert
et les réalisateurs s’engagent sur des pistes
inabouties et délaissées : l’arme découverte
dans les affaires du père de Malek que celui-ci
dissimule sous ses vêtements comme un objet fétiche,
un corps retrouvé dans les fondations d’un
immeuble en construction auprès duquel le jeune
homme se précipite.
Certes,
nous sommes dans l’entre-deux, période languide
et suspendue, très difficile à rendre sur un écran.
La répétition des cadrages et la stagnation des
protagonistes n’évitent aucun cliché ni aucune
métaphore facile – Malek appliquant sur ses
yeux les lentilles de sa petite amie pour épouser
sa vision est un parti-pris à la symbolique par
trop évidente.
Dommage
car on sent bien que Joana Hadjithomas et Khalil
Joreige sont imprégnés de cette ville où
ils essaient de vivre au présent dans
l’effervescence provoquée par la renaissance de
la scène artistique, intellectuelle, musicale et
cinématographique. Le parallèle entre la rue
animée et bruyante – embouteillages monstres et
klaxons assourdissants – et l’appartement
feutré et sans bruits de Claudia est à peu près
la seule bonne idée du film.
Cependant
lorsqu’ils affirment que « la forme, la
recherche esthétique est à Beyrouth éminemment
contemporaine, totalement politique »,
on est marris de constater que ce postulat ne
s’applique pas au film.
Plus
faiseurs d’images que cinéastes possédant un
regard, le duo livre un travail au sujet pourtant
passionnant, passablement introduit, tout à fait
inconsistant dans son développement, franchement
pénible dans sa conclusion après une dernière
demi-heure poussive et vide.
Patrick
Braganti
Drame
franco-libanais – 1 h 28 – Sortie le 1er
Mars 2006
Avec
Ziad Saad, Julia Kassar, Alexandra Kahwagi
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