Après
la vie de Lucas
Belvaux
Je suis allé voir dans la foulée, soit deux jours après,
le troisième volet de la trilogie de Lucas BELVAUX,
tant mon envie de retrouver ses personnages me
taraudait. En plus, ce film est présenté comme un
drame et il y avait fort à parier que l’intensité et
la profondeur seraient au rendez-vous. Ce fut bien sûr
le cas, et bien plus encore tant le pari audacieux de BELVAUX
prenait ici toute sa signification et son ampleur.
Le
couple phare du film est le flic Manise et sa femme Agnès
et l’histoire se centre avant tout sur leur relation :
Agnès est morphinomane et Pascal est devenu son
pourvoyeur attitré du fait de son métier et de ses
relations.
Gilbert
MELKI
, aux antipodes de son rôle dans La vérité si je
mens 1 et 2, réussit le tour de force de donner un
visage différent à son personnage selon les films :
il passe du salaud pourri à l’homme amoureux qui veut
aider sa femme et va finir par se compromettre pour
elle. Un grand acteur est né, plus de doutes à avoir.
Quant
à Dominique BLANC, dont il n’est même plus
question de douter un seul instant de son immense
talent, elle compose de manière magistrale cette femme
droguée, au bout du rouleau, prête à tout pour
obtenir ses doses. Après avoir obtenu le César de la
meilleure actrice pour Stand By en 2000, elle
partage sa carrière entre des films souvent difficiles
et exigeants et des pièces de théâtre du répertoire,
telles que Phèdre qu’elle commence à jouer
sous la direction de Patrice Chéreau.
Comme les deux films précédents, Après la vie
a aussi ses propres caractéristiques quant au filmage
(gros plans) et la couleur dominante (le gris très
sombre virant au noir).
L’idée
maîtresse qui a conduit Lucas BELVAUX à tourner
cette trilogie est simple, sinon évidente : nous
sommes à côté de personnes dont la vie, les joies ou
plus souvent les peines nous sont quasiment inconnus.
Au
delà de chaque volet, de chaque histoire, qu’il me
semble tout de même préférable de voir dans l’ordre
prévu, au delà des interprétations, de la qualité
des mises en scènes adaptées à chaque genre, il faut
par dessus tout saluer l’extrême intelligence de ce
projet qui s’avère en tous points cohérent. J’ai
éprouvé une sorte de vertige intellectuel à suivre
les mêmes scènes dans chacun des films, qui ne présentent
plus la même signification selon les contextes.
En fait, la trilogie suit sa propre logique à travers
ces trois couples : de celui qui s’invente des
ennuis pour se donner l’illusion d’exister à celui
qui doit se battre et tenter de trouver une solution à
des problèmes malheureusement réels et concrets.
Pourtant, tous se connaissent, se fréquentent sans
connaître les situations des autres.
L’ensemble ainsi constitué de ces trois films
constitue un vrai plaisir de cinéma parce qu’il est
ambitieux, périlleux mais surtout magnifiquement mené,
mettant progressivement en place les pièces de ce
formidable puzzle.
Patrick
|