Au
feu
de
Pjer
Zalica
|
|
|
|
Ce film du cinéaste Pjer Zalica retrace la vie
au quotidien sur plusieurs jours des habitants d’une
petite ville bosniaque qui doit accueillir prochainement
en grandes pompes le Président des Etats-Unis, Bill
Clinton – événement porteur d’espoir qui est
attendu avec ferveur et impatience pour certains, inquiétude
ou colère pour d’autres, et qui nécessite aussi de
s’adapter en conséquence ! (en masquant
notamment tout ce qui a trait de près ou de loin à la
corruption : prostitution, marché noir…). Ce
postulat cocasse donne ainsi lieu à des scènes
savoureuses, tour à tour burlesques et/ou dramatiques,
auréolées par des personnages balkaniques « haut
en couleur ».
C’est en effet un humour noir et décapant qui colore
le film, mais il y a également quelques jolies scènes
d’émotion, notamment celles qui sont liées à la
personnalité de ce père qui vit dans le déni et
n’arrive pas à accepter la mort de son fils dont le
cadavre n’a toujours pas été retrouvé. Magnifique
acteur d’ailleurs que Bogdan Diklic, étonnant
dans ce personnage tout en rudesse et sensibilité !
Pjer Zalica,
qui vient du documentaire, et qui voulait « faire
un film de paix et non d’horreur » (« même
si la paix peut parfois être pire que la guerre ! »),
ne porte pas de jugements simplistes sur cette guerre,
qu’il présente bien comme avant tout fratricide, et même
si la communauté internationale, par le biais d’un Général
américain un peu niais, est présentée comme plutôt décalée
quant aux réalités de la situation. C’est son regard
lucide, sans complaisance, son humour corrosif et grinçant
(mais néanmoins sans que le cynisme ne pointe son nez
trop souvent), sa tendresse et son humanité aussi, qui
font toute la force de ce petit film, qui a d’ailleurs
multiplié les récompenses ! (Léopard d’argent
à Locarno, Grand prix et prix d’interprétation
masculine à Marrakech, six prix à Sarajevo…).
Et dans cet univers typiquement
bosniaque, où les vivants ont parfois plus l’air de
fantômes que les morts eux-mêmes, et où les uns et
les autres tentent de vivre (de survivre) en essayant de
croire tant bien que mal à un avenir qui ne s’annonce
pas forcément joyeux, plane un souffle d’une
sur-vitalité, ma foi, très entraînante ! Même
si la nostalgie et la mélancolie sont aussi au
rendez-vous… En tout cas, beaucoup d’émotions dans
ce petit film original, qui sait parler sans mièvrerie
et avec finesse de cette guerre qui n’en finit pas !
Et cette comédie noire, qui joue tout à la fois sur le
burlesque et le drame, n’est pas sans rappeler
l’excellent film « No man’s land »,
sauf qu’il y a à la fin une lueur d’espoir qui
n’existait pas dans le film de Tanovic.
Cathie
Bosnie
– 1h45 – sortie le 28 avril 2004
|