Avanim
de Raphaël Nadjari
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Raphaël Nadjari est un cinéaste qui inscrit son
art dans une perspective cosmopolite faisant fi des
frontières, voyant, pour reprendre ses paroles,
« l’exil comme une source de connaissance ».
D’origine juive séfarade, né à Marseille en 1971, Nadjari
a d’abord choisi l’exil new-yorkais pour y réaliser
une trilogie entre 1999 et 2002, influencée par le cinéma
noir américain des années 50 qu’il affectionne
beaucoup. I am Josh Polonski’s brother et plus
encore Apartment #5C ont durablement marqué
l’esprit des cinéphiles curieux et exigeants.
Changement de ville pour ce quatrième film : Hatikva,
quartier populaire de Tel-Aviv où vit et travaille
Michale (Asi Levi, une révélation). Avanim
démarre sur le rendez-vous dans une chambre d’hôtel
entre Michale et son amant pour une étreinte
silencieuse qui ne se prolonge guère, mais qui semble
une parenthèse nécessaire et revigorante à la jeune
femme. Par scènes courtes, à peine esquissées, le
film nous fait partager la vie de Michale concentrée
sur sa famille, son fils et son mari, ainsi que son
travail de comptable chez son père. Petit à petit
s’installe un climat de malaise et de tension ;
Michale paraissant supporter de moins en moins cette vie
dictée par les hommes, dont son père autoritaire et régisseur
de sa vie privée, et par le poids des rites religieux.
Le shabbat hebdomadaire est ainsi l’occasion de la réunion
familiale et de la célébration des différents codes
que Michale accomplit sans trop de conviction, plus par
habitude.
Cette femme en train de vaciller bascule complètement
lorsque son amant qu’elle doit rejoindre est tué lors
d’un attentat. Se refermant sur elle-même, elle
quitte soudain la petite cérémonie qui fête
l’ouverture de l’école talmudique dont son père gère
les affaires pour une fugue nocturne au bord de la
plage.
Jamais Nadjari ne se pose en juge
de la vie de Michale, juste en témoin. Tout comme il
montre les contradictions du monde traditionaliste séfarade :
d’un côté la solidarité et la chaleur qui imprègnent
les rapports des personnages, de l’autre la corruption
souterraine à laquelle le père de Michale participe et
la marginalisation de la femme encore inféodée à
l’homme, qu’il soit père ou mari.
Dans le recours à l’improvisation (le traitement du film
s’est modifié au cours du tournage et de l’apport
des comédiens), dans la mobilité de la caméra proche
des acteurs et de leur visage, le cinéma de Nadjari
renvoie directement à celui de Cassavetes.
Impression encore renforcée par le sujet même :
une femme en rupture, à la dérive.
Avanim signifie "pierres" en hébreu : ici
ce sont des pierres qui servent à construire des
maisons et des écoles, mais aussi de projectiles que se
jettent les religieux et les laïcs, enfin des souvenirs
posés sur la tombe d’un défunt. Des significations
symboliques et contraires, prouvant l’ambivalence et
la complexité d’un pays personnifié par Michale.
Patrick Braganti
Film français, israélien – 1 h 50 – Sortie le 16 Mars
2005
Avec Asi
Levi, Uri Gabriel, Florence Bloch
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