cinéma

Avida de Benoît Delépine & Gustave Kervern 

[3.0]

 

 

Avida, c’est tout d’abord un patchwork d’influences, comme le révèle le casting. On peut y apercevoir notamment Claude Chabrol, Albert Dupontel, Bouli Lanners, la chanteuse Rokia Traoré, Sanseverino, le journaliste Rémy Kolpa Kopoul, le dramaturge Fernando Arrabal, le scénariste Jean-Claude Carrière, et même le président du Groland lui-même, Christophe Salengro.

 

L’idée du film est née à Rotterdam, dans un musée où les deux hommes ont découvert l’œuvre de Salvador Dali. Très influencés également par Jérome Bosh, ils rendent hommage à ces peintres esthétiquement. Hélas, financièrement et éthiquement, il n’était pas possible de reconstituer un plan avec quatre cents personnes mortes, les références sont donc plus subtiles. La toile de fin, en couleur n’est pas du plus connu des surréalistes : elle a en réalité été peinte à la manière de Dali. Elle a été réalisée par un homme dont la particularité est de dormir dans un poulailler et de se représenter picturalement dans la position du Christ, au dessus de son lit.

 

Avida est une femme qui représente la société de consommation. Au départ, elle devait s’appeler « Captivus » mais lors de l’écriture, ils ont préféré lui donner un nom plus « positif ». Ce film est un manifeste politique. L’histoire se passe dans un paradis fiscal, sur une île où ne résident que des milliardaires. Ces derniers ont des esclaves qui s’ennuient et sont désemparés. Ils organisent donc un projet de rapt. Certains d’entre eux tentent de s’échapper dans la montagne. Avida est en quelque sorte une parabole sur ce qui nous attend.

 

Le film dénonce également la paranoïa sécuritaire, notamment dans la première scène avec Jean Claude Carrière. Elle est inspirée d’un fait divers. Dans une villa, un des domestiques se trouvait « payé à rien faire ». Un jour il décide de mettre le feu à une poubelle. Manque de chance, le système de sécurité se déclenche et le propriétaire meurt asphyxié dans son bunker.

 

L’aspect sécuritaire, c’est aussi l’œil qui nous regarde sans cesse, les caméras dans le métro, le dieu omniscient. Un des personnages en est si effrayé qu’il passe son temps à modifier son visage avec du scotch. Au moment fatidique, il aura peur qu’on le reconnaisse et se suicidera avec du scotch. Une fin « poétique » ou en tout cas plus que celle qui était prévue à la base. L’homme devait mourir de la chute d’un dégazage d’avion. Hélas, le carré d’excréments gelé n’était pas très pertinent visuellement.

 

Le film procède beaucoup par ellipses. Au montage, des scènes mineures sont devenues importantes. Il y a très peu de plans, une quarantaine. Ils sont soignés mais sans être esthétisants. Il ne faudrait pas considérer Avida comme un cadavre exquis mais comme un cadavre. Les réalisateurs ont gommé les rémanences du côté didactique, trop présent selon eux dans le scénario.

 

Autre modification du film, il devait à la base se dérouler sur l’île de la Réunion et développer le mythe d’Empédocle, la femme riche se jetant à la fin dans un volcan. Hélas, le lieu ne collait pas avec l’histoire : il y aurait eu un raccourci non voulu entre l’esclavage montré dans le film et l’esclavage historique vécu sur l’île.

 

Alexandra Giroux

Film français – 1h17 – Sortie le 13 septembre 2006

avec Avec Benoît Delépine, Gustave Kervern, Velvet...