Parce
qu’elle fut trouvée aux portes du couvent
pendant le mois d’avril, les religieuses qui la
recueillirent puis l’élevèrent en vase clos et
cloîtrée ne trouvèrent rien de mieux que de lui
attribuer cet étrange prénom. La jeune novice âgée
de vingt ans n’a jamais quitté les hauts murs
de l’institution sévère et repliée sur elle-même,
dirigée par une Mère Supérieure autoritaire et
intransigeante. Sa vie est entièrement dévouée
à la prière et à l’entretien du couvent.
C’est tout juste si elle s’accorde un peu de répit
pour peindre avec talent des fleurs – talent
dont elle attribue l’origine à Dieu. Alors
qu’elle doit accomplir sa retraite de deux
semaines, enfermée dans une chapelle à prier et
à repeindre de bas en haut, avant de prononcer
ses vœux perpétuels, une de ses condisciples, Sœur
Bernadette, lui apprend l’existence d’un frère
jumeau, trouvé en même temps qu’elle, confié
à un orphelinat, et la convainc de partir à sa
recherche.
Pour
Avril, cette escapade prend très vite la
forme d’une découverte du dehors et des hommes
qui le peuplent : rencontre avec Pierre qui
lui répare son vélo et la conduit jusqu’en
Camargue, dans une baraque de bord de plage où
vivent David (le frère) et Jim, son fiancé. Ses
convictions religieuses reliées à son mode de
vie d’ermite vont être sérieusement ébranlées,
faisant vaciller ses certitudes quant à son
avenir.
L’ouverture
au monde, donc à soi-même, c’est un vieux et
beau sujet, sur lequel on espère toujours un
regard nouveau et original, qui se démarquerait
et sortirait des sentiers battus. Notre attente ne
sera pas satisfaite ce coup-ci car Avril
bascule rapidement dans le convenu et le compassé,
n’offrant aucune aspérité, mettant en scène
des personnages lisses, à la limite du
caricatural. Le film rate ainsi les plus beaux
moments annoncés : la révélation du secret
et les retrouvailles qui s’ensuivent, et en fait
bien trop dans l’accumulation de rebondissements
et de coups de théâtre, comme si le cinéaste ne
croyait pas lui-même à la possible force de ses
personnages. Entre le départ du couvent et le
retour pour un dernier tiers balourd et tordu,
l’épisode camarguais malgré sa naïveté et sa
gentillesse affichées offre quelques beaux
moments de grâce poétique. Ainsi on apprécie
que Avril ne juge en rien la vie de son frère :
elle ne pardonne pas le mensonge – celui des Sœurs
qui lui en ont caché l’existence – mais croit
à l’amour, fût-il entre deux hommes. Sur cette
plage ensoleillée, on sourit à voir cette prude
Avril découvrir les plaisirs insoupçonnés des
nourritures terrestres : bon repas, musique
plus sympa que les cantiques, alcool plus entêtant
que le vin de messe. C’est frais et agréable,
mais franchement ça ne va guère plus loin.
Avril
tient trop à sa mécanique dont on finit par
percevoir tous les rouages et au contraire ne
tient pas du tout ses ambitions initiales. Même
si Sophie Quinton manifeste assez de
ferveur pour crédibiliser son rôle, en dépit de
l’interprétation sans fautes de Miou-Miou,
Avril déçoit par son manque de subtilité
et de profondeur, par son incapacité à proposer
une approche novatrice de son sujet.
Patrick
Braganti
Comédie
dramatique française – 1 h 36 – Sortie le 14
Juin 2006
Avec
Sophie Quinton, Miou-Miou, Nicolas Duvauchelle, Clément
Sibony
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