Baboussia
de Lidiya
Bobrova
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C’est
avec beaucoup d’impatience que j’attendais la sortie
de Baboussia,
troisième long métrage de la Russe Lidia Bobrova.
En effet, ce film avait reçu en juillet 2003 deux prix
lors des dernières Rencontres Internationales de cinéma
à Paris (Prix du Public permettant de
soutenir financièrement le distributeur pour la
sortie en salles en France et Prix Arte -la chaîne de télévision
s’engageant à acheter les droits de diffusion du
film). Présent à la remise des prix, quelle énorme
frustration de voir Baboussia doublement récompensé
alors qu’on ne l’a pas vu pour cause de planning
festivalier très chargé !
Lidia Bobrova
avait d’ailleurs déjà reçu le Grand Prix des
Rencontres Internationales de cinéma à Paris en 1998
pour son précédent film, Dans
ce pays-là (1997).
Baboussia
est l’un de ces nombreux films attachants et
intimistes, qui sortent en salles sans faire de bruit,
se regardent avec plaisir, sans marquer l’histoire du
cinéma. Les mauvaises langues lui reprocheront sans
doute son côté trop folklorique (les tenues, les
danses, les habitants campagnards, les buveurs de
vodka...). Les autres seront sans doute très touchés
par l’histoire de la Russie actuelle contée au
travers de ce petit bout de femme, Baboussia, jouée par
une actrice non professionnelle octogénaire (aussi
attachante que l’était la grand-mère géorgienne de Depuis
qu’Otar est parti, de Julie Bertucelli...)
Cette adorable femme, qui a sacrifié sa vie et s’est
toujours dévouée à sa famille nombreuse (enfants et
petits-enfants), devient du jour au lendemain (à la
mort de sa fille, chez qui elle était hébergée) un
« poids » âgé encombrant, dont chaque
membre de la famille essaie de se débarrasser en le plaçant
chez un frère, une soeur ou un petit-fils.
La réalisatrice n’est pas manichéenne en ce sens
qu’elle n’oppose pas les gentils des campagnes aux méchants
des villes (les « nouveaux Russes ») qui ont
plus ou moins fait fortune, grâce au capitalisme
sauvage.. Elle montre que la société russe a changé,
l’individualisme prenant toujours un peu de place face
à la « traditionnelle » collectivité des décennies
communistes. Chaque membre de la famille a ainsi des
raisons valables de refuser d’accueillir Baboussia
chez soi.
Par ailleurs, on peut être séduit par la beauté des
paysages enneigés et de la lumière qui semble
affleurante. Un petit film certes, mais à la sensibilité
juste, qui ne montre rien du doigt et qui dépasse la
simple chronique en dressant un état des lieux de la
Russie actuelle, distillant tout a long du film quelques
éléments montrant les séquelles causées par les
guerres coloniales plus ou moins proches (Afghanistan et
Tchétchénie).
Un beau portrait d’une vieille femme qui voit tout
mais se tait.
Yann
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